La Commission parlementaire espagnole, chargée de faire la lumière sur les tenants et les aboutissants des attentats de Madrid, notamment pour savoir s'ils auraient pu être évités, a entamé ses travaux par des auditions en cascade. Les attentats de Madrid auraient-ils pu être éludés ? Avait-on les moyens d'entrevoir ce qui se tramait ? En gros, était-on en mesure de voir venir la terrible tragédie et l'étouffer dans l'œuf ? Quel est l'état des lieux de la sécurité, actuellement, au gré des enseignements tirés du mardi noir espagnol ? Quelle aura été l'incidence des attentats sur le déroulement des législatives, qui ont concédé une large victoire aux socialistes ? Autant de questions auxquelles s'attelle, depuis mardi, la Commission parlementaire espagnole désignée pour cerner moult aspects des attentats du 11 mars. Composée de seize parlementaires, cette cellule a entamé une série d'auditions, qui s'étaleront sur un mois et qui concernent près d'une quarantaine de témoins. La Commission a également en charge l'examen de tout un paquet de documents, jusque-là classé dans le registre du secret. Cela fait déjà près d'une semaine que ces documents ont été mis à la disposition de la Commission, en signe de préambule à l'ouverture de ses travaux. Dans le feu de l'action, les socialistes reprochent à l'ancien gouvernement d'avoir délibérément tenté d'incriminer l'ETA. En effet, dans les minutes qui ont suivi les attentats, le gouvernement Aznar s'était empressé de pointer du doigt les séparatistes basques. Un stratagème qui était censé garantir au Parti populaire un succès lors des élections. Et c'est dans ce dessein que les officiels s'étaient lancés dans une campagne délatrice contre l'ETA. Pendant ce temps-là, la piste islamiste était déjà sujette à caution de la part des enquêteurs. D'ailleurs, Luis Garrudo, témoin-clé des attentats, qui a fait l'objet de la première audition de la part de la Commission, a souligné avoir été informé, le jour même, par les éléments de la police, de l'exclusion de la piste basque. Ce 11 mars, en début d'après-midi, la police avait déjà sous la main une série de photos, montrant des suspects d'origine arabe, qu'elle mettait à disposition des témoins dans l'optique d'une éventuelle identification des terroristes présumés. Pour mémoire, Luis Garrudo avait affirmé avoir vu des terroristes, muni de sacs à dos, pénétrer, au niveau de la gare d'Alcala de Henares, dans l'un des trains. Il avait également raconté que deux de leurs complices serait restés dans une fourgonnette blanche. Vraisemblablement, c'est sur la base de son témoignage que les éléments de la police retrouvèrent le véhicule en question. À bord de la camionnette, on aurait découvert des détonateurs, des traces d'explosifs de la même nature que ceux utilisés par les terroristes, en plus d'une bande-sonore portant un enregistrement de sourates du Coran. Pourtant, Angel Acebes, le ministre de l'Intérieur du gouvernement Aznar, s'était abstenu de faire part de la découverte de la cassette en question. Ce n'est que dans la soirée qu'il est sorti de son mutisme pour mentionner la précieuse découverte qui, le moins que l'on puisse dire, était censée déculpabiliser l'ETA. De plus, en dépit de son communiqué démentant catégoriquement son implication, l'organisation basque n'a cessé, deux jours durant, de faire l'objet d'accusations acharnées, à coups de sorties médiatiques, de la part d'Angel Acebes. Le Parti de José Maria Aznar dénonce, quant à lui, les manifestations antigouvernementales, à la veille du scrutin, qu'il a qualifiées de conspirations en coulisses. Le Parti populaire se base sur une interdiction visant les rassemblements politiques la veille des élections, estimant que sa déconfiture lors des législatives est due à ces descentes dans la rue. Cependant, ce que l'ancien gouvernement s'obstine à ne pas prendre en compte, c'est sa gestion catastrophique de plusieurs questions, tant sur le plan de sa politique intérieure qu'étrangère. L'envenimement des relations avec ses proches voisins avait atteint son paroxysme sous son mandat. Aussi, balayer d'un simple revers de la main la volonté du peuple espagnol, en envoyant contre son avis ses enfants en Irak, aura été d'une fatalité certaine pour ce que fut le controversé gouvernement Aznar.