«Le pianiste», un long-métrage de Roman Polanski a remporté la Palme d'Or du 55e Festival de Cannes. C'est sa propre vie que Roman Polanski semble avoir mis en scène dans son dernier film récompensé à Cannes. Ce réalisateur français, d'origine polonaise, a remporté dimanche avec son film «Le pianiste» la Palme d'or du 55e Festival de Cannes, décernée par un jury présidé par le cinéaste américain David Lynch. La vie de Polanski ressemble à son film. Il est né en France en 1933, quand ses parents, deux ans plus tard, incapables de s'habituer à leur nouvelle terre d'asile, décident de revenir en Pologne. Ils traversent pour cela l'Allemagne déjà hitlérienne. La guerre éclate. Camp de concentration pour le père et la mère. Cette dernière n'en sort pas vivante. Polanski s'arrange pour échapper au ghetto de Varsovie dans lequel il est enfermé. Il traverse son pays, se fait héberger chez des familles catholiques. Cet épisode l'a si bien marqué qu'il ne remettra plus les pieds en Pologne. Il y revient seulement en 2002 pour tourner son film Le Pianiste. C'est dire que le cinéaste allait régler, dans ce film, ses comptes avec une période de son histoire. La gravité caractérise d'un bout à l'autre «Le pianiste». Le film raconte l'histoire d'un jeune pianiste prodige retenu au ghetto de Varsovie avec sa famille. Il échappe miraculeusement aux déportations, aidés par des amis mélomanes et quelques résistants. Il assiste à l'échec de la révolte du ghetto et à l'insurrection de la ville, avant qu'elle ne soit libérée par les Russes. Mais ce serait mal connaître Polanski que de penser qu'il allait soumettre son film à une dichotomie tranchée : le méchant allemand conte la victime juive. «Le pianiste» atteint une grande densité grâce à l'introduction d'un «bon allemand» qui va croiser le chemin du Juif. Le long-métrage acquiert sa véritable portée en mettant à nu ce qu'il y a de plus troublant dans la relation de deux hommes que leurs patries en guerre vouent à la haine. Roman Polanski aurait dû remporter la Palme d'Or, il y a bien longtemps. Il est en effet l'un des cinéastes les plus inventifs de l'Histoire du 7ème art. Il a joué dès les années 50 dans des films. Ses premiers courts-métrages portent déjà les indices qui feront l'identité unique de son cinéma : humour noir, vision angulaire dans les relations humaines, attrait pour l'occultisme et l'étrange. Le premier long-métrage de Polanski remporte un franc succès. «Un couteau d'eau» est en effet nominé aux Oscars (meilleur film étranger). Son auteur fait la couverture de « Time Magazine ». Après ce film, Polanski décide de quitter la Pologne pour la France. Il est intéressé par la nouvelle vague et réalise à cet égard un film inoubliable – «Répulsion» avec Catherine Deneuve. Polanski construit à partir de ce film son univers inquiétant, basée sur la psychologie de personnages en proie à la solitude et à l'incompréhension totales. Hollywood lui tend les bras, il y va et réalise «Le bal des vampires», une magnifique parodie des Dracula et autres vamps. L'horreur ne fait plus peur, mais arrache un rire grinçant. Après ce film, un chef d'œuvre de l'Histoire du 7ème art : Rosemary's Baby. Une plongée dans l'enfer pour une jeune mariée qui copule avec le diable. Les plans séquences dans ce film, la musique instrumentalisée pour dire à la place des mots, constituent l'identité unique du cinéma de Polanski. Dans son expérimentation des genres filmiques, Polanski s'attaque par la suite au polar. Il laisse un autre che d'œuvre, «Chinatown», avec Nicholson. Autant de films qui peuvent chacun prétendre à une Palme d'Or.