Les responsables de l'ANAPEC, l'intermédiaire émirati et les heureux propriétaires de la clinique casablancaise, bénéficiaire directe, ne sont pas parvenus à dissiper les nombreuses zones d'ombre qui entourent l'opération. Aucune garantie n'est fournie sur la véracité des emplois promis. Le syndrome kényan guette. Comme un pavé dans la mare. Tel fut l'effet d'annonce de l'opération de recrutement de 22.000 marocains dans des bateaux de croisière européens. Il a fallu par ailleurs attendre plusieurs semaines, voire plus d'un mois, pour que l'Anapec (Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétences) finisse par admettre, jeudi 16 mai, qu'une déclaration publique s'imposait afin d'éclairer l'opinion sur les tenants, détails et derniers rebondissements de ce qui est communément appelé affaire des 22.000 emplois. Une conférence de presse organisée à la dernière heure à laquelle les cadres de ladite agence ne sont pas venus seuls. Aux côtés du directeur général de l'Anapec, Chafik Rached, M. Salim, le représentant commercial de la société de recrutement émiratie Al Najat, son coordinateur au Maroc, Reda Yahyaoui et Docteur Bahnini, directeur de la clinique Dar Salam disaient ne rien comprendre à la «cabale saugrenue» menée contre eux. Après avoir tenté dans un premier temps de ridiculiser toute intention de mise en doute de certains aspects de l'opération de recrutement, émaillée de points d'interrogations, Chafik Rached se voulait rassurant quant aux dispositions prises au préalable pour garantir un bon déroulement et dénouement de l'opération. Exercice peu réussi. A la question de savoir s'il y a une convention signée entre l'Anapec et Al Najat. M. Rached a répondu: «Non, il existe par ailleurs des correspondances entre l'agence et la société émiratie qui valent convention». Sur quoi portent-elles? M. Rached a promis de nous en faire part, mais a fini par changer d'avis sans pour autant en avancer les raisons. Une telle attitude ne peut-elle que semer le doute? Une autre question lui a été posée. Celle de savoir de quelles garanties s'est acquittée l'Anapec concernant les conditions de travail des futurs employés. Encore une fois, M. Rached a parlé d'échange de lettres, dans la semaine du 5 mars 2002, entre d'une part les ministères des affaires étrangères et de l'Intérieur et d'autre part, l'ambassade du Maroc aux Emirats Arabes Unis attestant de l'existence effective de ladite société. Ces lettres peuvent-elle faire foi de garanties réelles ? La réponse de M. Rached est affirmative. Avancer à la hâte une telle assertion n'est pas à mettre à son actif. Cet exercice mérite par ailleurs beaucoup plus d'effort. Car ce sont aujourd'hui 30.000 jeunes Marocains, 8000 de plus que ce qui a été annoncé au départ, à qui l'on promet un travail, un salaire variant entre 580 et 680 dollars, une formation, une expérience, une assurance, un mois de congé payé à la date d'expiration du contrat, des indemnités, un billet aller-retour…un eldorado. Comment peut-on tolérer cette légèreté dans le traitement de ce dossier quand on a à l'esprit l'expérience kenyane. Elle en dit long sur un imbroglio suscité par une opération similaire. Comment peut-on ne pas émettre de réserves en l'absence de documents en bonne et due forme entre l'agence et le recruteur émirati. Le seul document rendu public est le contrat de pré-embauche. Un contrat à durée déterminée (une année), renouvelable une fois En définitive, l'ensemble de cette opération nécessite de la prudence et davantage de rigueur. Car il s'agit, cela ne sera jamais assez dit, de 30.000 jeunes Marocains qui n'ont commis le péché d'être chômeurs dans un pays où le taux de chômage avoisine les 13 %. Ils n'ont commis de péché que de vivre dans la misère, mais d'être prêts par ailleurs à payer 900DH comme prix de consultation médicale, de faire le déplacement des quatre coins du Maroc, d'attendre des heures durant pour que leur tour arrive, de…. . Ils peuvent tout accepter, sauf découvrir que leurs «petits rêves» puissent un jour tourner en cauchemars.