Cinq formations politiques de l'extrême gauche ont proclamé, lors d'un meeting dimanche à Casablanca, la constitution du Rassemblement de la gauche démocratique (RGD). Les interventions des responsables des cinq formations ont été accompagnées de vieux slogans nostalgiques. Cette naissance sent le vieux. Le décor pourrait être dressé dans les années soixante-dix sans présenter d'anachronismes. Les slogans répétés par les militants font fortune depuis un quart de siècle. «Avec notre sang… On se sacrifiera pour la Palestine», «Camarade Abou Ali… nous tenons toujours le cap». Les slogans chantés par un public électrifié par l'enthousiasme n'ont pas changé avec le temps. Seul le drapeau irakien a fait son entrée pour s'ajouter aux fondamentaux dont se réclame l'extrême gauche. Mais l'ennemi demeure le même : les Etats-Unis, Israël, le libéralisme, le gouvernement. Le large public, qui a rempli la petite salle du complexe culturel Mohamed Zefzaf, était déterminé à donner de la voix. Etait-il nostalgique des vieux slogans ? Même quand les dirigeants des cinq formations ont pris la parole pour sceller «cette journée mémorable», certaines personnes lançaient de temps à autre un chant. Les responsables du Congrès national ittihadi, de la Gauche socialiste unifiée et du parti de l'avant garde démocratique et socialiste ainsi que des mouvements d'Annahj addimoqrati et de la Fidélité à la Démocratie ont eu du mal à réfréner l'ardeur de leurs supporters. Abdelmajid Bouzoubaâ, du Congrès national ittihadi, a été le premier à prendre la parole. Il a précisé que ce rassemblement s'explique par la «morne conjoncture» et «la fin de la légende de l'alternance». Son intervention a été récompensée par des accolades et des embrassades très chaleureuses avec les autres intervenants. Ahmed Benjelloun, du parti de l'avant garde démocratique et socialiste, a pris ensuite la parole. Il a fustigé l'impérialisme, remontant jusqu'à Salvador Allende, pour détailler tous les torts des Etats-Unis. Il a souligné le caractère historique du 6 juin, date de la proclamation du Rassemblement de la gauche démocratique (RGD) : «c'est le jour le plus long dans l'Histoire du Maroc, et je m'en réjouis d'autant plus qu'il coïncide avec la célébration du débarquement des alliés pour écraser le nazisme». M. Benjelloun n'a pas oublié de lancer une philippique contre l'USFP : «l'alternance, c'est le plus grand mensonge de la fin du 20e siècle». Son avis est partagé par Abdellah El Harif d'Annahj addimoqrati qui a déclaré que l'alternance est «à jeter dans la poubelle de l'Histoire». En fait, même si le nom de l'USFP n'a pas été prononcé une seule fois par les responsables des cinq formations du nouveau rassemblement, le grand parti socialiste a pesé sur la réunion de dimanche. Mohamed Sassi de la Fidélité à la démocratie l'a accablé avec des mots à peine voilés, qualifiant la nouvelle alliance de «gauche indépendante» et chantant une oraison funèbre aux socialistes qui font partie de la coalition gouvernementale : «leur temps est révolu». Son intervention a été la plus pragmatique. Il a d'emblée anticipé sur l'étape à venir en parlant d'un parti politique constitué des cinq composantes. Il a également expliqué que même si cette alliance représente à peine 3 % des députés qui siègent à la Chambre des représentants, elle est forte de ses représentations syndicales. Mais en dépit du réalisme de son discours, le Rassemblement de la gauche démocratique semble une formation d'un autre âge. Il est né sur un air de disque rayé qui a gardé certes du charme pour les nostalgiques, mais dont les performances auditives sont dépassées depuis longtemps.