Il n'aura pas fallu une semaine pour que la communauté internationale, à l'image des Mauritaniens, déjà acquis à la cause des putschistes dès le premier jour, se rallie au programme de la nouvelle junte au pouvoir dans le pays des millions de poètes. Venus aux nouvelles, la délégation de l'Union Africaine, tout en s'accrochant à sa position de principe sur les «sanctions» est repartie de l'aéroport international de Nouakchott avec des éloges vis-à-vis de la nouvelle équipe dirigeante. Idem pour les deux fonctionnaires de l'Union du Maghreb Arabe, « une organisation qui ne peut s'opposer à la volonté du peuple mauritanien », comme l'ont-ils dit à la presse. Même l'Oncle Sam, un moment colérique, ne retient désormais, comme condition sine qua none pour la reconnaissance, que «le retour à l'ordre constitutionnel». En attendant celui-ci, promis dans deux ans, l'Amérique va suspendre son assistance militaire au gouvernement mauritanien, en tout 150 000 dollars au titre de l'année 2005. Geste symbolique destiné à sauver les apparences ? Pareil revirement n'a été possible, selon les observateurs, qu'après une longue entrevue entre les ambassadeurs américain et israélien en poste à Nouakchott et les membres du Conseil militaire pour la justice et la démocratie. «Tout changement d'un régime civil vers un régime militaire ne peut que susciter des réserves, des interrogations parmi les démocraties du monde en l'occurrence les Etats-Unis, mais nous pensons qu'après les rencontres que le président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie a eu avec l'ambassadeur des Etats -Unis et ceux des autres pays comme la France, par exemple, l'Allemagne, la Chine, la Russie et Israël, ainsi qu'avec les pays frères et voisins sénégalais, les Maliens, les Marocains, les Algériens, nous sommes donc plus ou moins rassuré et nous espérons que les choses vont rentrer dans l'ordre», a déclaré Ould Abdelaziz, ancien commandant de la garde présidentielle du temps de l'ex-régime, présenté aujourd'hui comme étant le numéro deux du régime. Mais au-delà de cette légitimation presque acquise à l'international, les Mauritaniens attendent les signes des vrais changements promus. Après la semaine d'euphorie où mêmes les anciens mentors du régime ont battu le pavé à la gloire de Ely Ould Mohamed Vall, l'heure est désormais aux actes. Du premier gouvernement formé avec les mêmes règles du dosage tribal et ethnique, certains y voient les relents de l'ancien régime, en la personne notamment d'un Premier ministre, Sidi Mohamed Ould Boubakar, premier ministre de Ould Taya, entre 1992 à 1996, ancien secrétaire général du Parti au pouvoir et qui n'aurait démissionné de celui-ci qu'une fois nommé par la nouvelle équipe au pouvoir. Dans la liste des 24 membres du gouvernement formé par Ould Boubakar, on retrouve aussi d'autres proches de l'ancien régime, en l'occurrence Ahmed Ould Sid Ahmed, artisan de l'établissement des relations diplomatiques avec Tel Aviv. Seul membre patenté de l'opposition, l'avocat Mahfoud Ould Bettah, ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats, aujourd'hui ministre de la Justice. Pendant qu'à Nouakchott, l'on devisait sur la composition du nouveau gouvernement, l'ancien président de la République, atterrissait à Banjul (Gambie) en compagnie de sa famille et de son chef de cabinet, Melaïnine Toumy, le dernier des fidèles. Un point de chute difficile puisque moins de 24 heures après l'atterrissage, l'Association des réfugiés mauritaniens au Sénégal et les représentants de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) ont décidé de se rendre en Gambie pour contraindre les autorités à ne pas accorder l'asile politique à celui qui les a chassés de leur pays entre 1989 et 1991. L'arrivée de Ould Taya dans ce petit pays enclavé au milieu du Sénégal, mais non loin de la Mauritanie, ajouté à l'appel lancé aux forces loyalistes par Taya depuis Niamey, pour un «retour à la légalité constitutionnelle » marquent le désarroi profond de l'ancien maître de Nouakchott, lâché par la plupart de ses proches, partis négocier leur retour à la grâce auprès des colonels au pouvoir. Le choix de la Gambie de Yaya Jameh dont l'une des femmes est mauritanienne, se serait faite après une fin de non recevoir à Rabat et à Dakar. Le président Abdoulaye Wade a apporté sa caution à la nouvelle équipe dirigeante, selon l'Agence mauritanienne d'information. Seul soutien à l'ancien régime, un communiqué laconique d'un «Congrès pour le rétablissement de la démocratie en Mauritanie », lequel observe d'ailleurs depuis cette sortie un silence significatif.