Une nouvelle fois, l'incertitude plane sur la croissance économique qui peine à créer suffisamment d'emplois pour endiguer le chômage. C'est ce que révèle le dernier point de conjoncture, établi par le HCP et relatif aux prévisions pour le premier trimestre 2025. Si une reprise économique est attendue en ce début 2025, elle s'avère toutefois insuffisante pour inverser la tendance à la hausse du taux chômage. Une croissance sans emploi ! Face à la montée du chômage qui s'est accru pour se situer à 13,6% au niveau national, l'emploi reste un des gros points noirs de l'économie marocaine qui affiche une croissance insuffisante. Cette dernière devrait atteindre 3,5%, au premier trimestre 2025, sous l'hypothèse de l'amélioration du régime pluviométrique hivernal et de l'absence de chocs inflationnistes externes. C'est ce que dévoile le dernier point de conjoncture, établi par le Haut-commissariat au plan (HCP). Ce rapport, relatif aux prévisions pour le premier trimestre 2025, revient sur l'évolution des principaux indicateurs économiques au troisième trimestre 2024 et les projections pour le quatrième. Premier constat : la croissance actuelle ne serait pas en mesure de remonter le moral des ménages et d'absorber le nombre des chômeurs qui a augmenté de 1,4 million à 1,58 million entre 2022 et 2023. «Il est essentiel de relativiser les chiffres optimistes du HCP dans le cadre de la conjoncture nationale et internationale. Au-delà de la rigueur scientifique et des méthodes de pondération de calcul, la croissance n'arrive toujours pas à créer suffisamment d'emplois afin d'absorber le taux de chômage. Celui-ci est devenu particulièrement alarmant, aussi bien pour les jeunes diplômés que les non diplômés», explique Omar Kettani, économiste et professeur à l'université Mohamed V-Agdal de Rabat. Absence de tendances conséquentes Selon l'expert, «l'analyse conjoncturelle actuelle n'est pas encore significative, car elle ne dessine pas des tendances conséquentes et une rupture avec les exercices précédents. C'est pourquoi il ne faut pas espérer des résultats probants et plus concluants à court terme en termes de perspectives pour l'année 2025. Par ailleurs, les retombées de la politique consacrée au développement de l'infrastructure – et qui capte beaucoup d'investissements, notamment publics -, prendra du temps à produire des retombées économiques, compte tenu du facteur temps». Par ailleurs, «à l'international, l'Europe, qui demeure le premier partenaire du Maroc est actuellement en crise. De ce fait, l'économie marocaine serait impactée par une diminution ou une stagnation dans les prochains mois», souligne l'expert. En chiffres, le HCP a indiqué dans son dernier point de conjoncture que l'économie nationale devrait retrouver plus de dynamisme au début de 2025. Estimée à 3% au quatrième trimestre 2024, la croissance du PIB devrait s'accélérer à 3,5% au premier trimestre 2025. Des prévisions différentes de celles de Bank Al-Maghrib qui table sur une croissance limitée à 2,6% en 2024, après 3,4% en 2023, et qui devrait s'accélérer à 3,9% au cours des deux prochaines années. On note en parallèle qu'en vertu des hypothèses du Budget 2025, le ministère des Finances table sur une croissance du PIB de 4,6% en 2025 (contre 3,3% attendue en 2024), de 4,1% en 2026 et de 4,2% en 2027. Ressenti des ménages : le pessimisme domine Toujours de l'avis d'Omar Kettani, l'autre point – et non des moindres – qui interpelle, concerne la relation entre le moral des ménages et la croissance de l'économie nationale. Il se réfère à ce titre aux résultats de l'enquête permanente de conjoncture auprès des ménages, menée par le HCP, notamment l'Indice de confiance des ménages (ICM) au troisième trimestre de l'année 2024. En chiffres, 80,6% des ménages déclarent une dégradation du niveau de vie au cours de l'année 2024. 82,2% des ménages s'attendent à une hausse du chômage au cours des 12 prochains mois ,alors que durant la même période, 78,7% d'entre eux considèrent que le moment n'est pas opportun pour effectuer des achats de biens durables. Ce constat pessimiste concerne aussi la problématique de l'épargne. Seulement 10,9% des ménages s'attendent à épargner au cours des 12 prochains mois de 2025. De surcroît, plus de 97% des ménages déclarent que les prix des produits alimentaires ont augmenté au cours des 12 derniers mois. Quant à l'évolution des prix des produits alimentaires au cours des 12 prochains mois, 84,4% des ménages s'attendent à une augmentation alors que 14,7% espèrent un maintien au même niveau et 0,9% anticipent une diminution. Pertes d'emplois : l'hémorragie se poursuit Le volume de l'emploi a augmenté de 213.000 postes entre les troisièmes trimestres 2023 et 2024, suite à une création de 231.000 postes en milieu urbain. Toutefois, cette création a été accompagnée d'une perte de 17.000 postes en milieu rural. Selon le HCP, après une perte de 24.000 postes en 2022, l'économie nationale a perdu, en 2023, 157.000 postes, résultat d'une création de 41.000 postes en milieu urbain et d'une perte de 198.000 en milieu rural. C'est la raison pour laquelle la trajectoire cible du taux de croissance de 4,6% retenue par la Loi de finances 2025 est confrontée à un environnement économique sujet à des chocs imprévisibles, susceptibles de perturber ces prévisions, notamment les changements climatiques. Selon la dernière note de conjoncture, le produit intérieur brut a crû, dans l'ensemble, de 4,3% au troisième trimestre 2024, en variation annuelle, au lieu de +2,4% en moyenne au premier semestre. Cette dynamique a soutenu une légère amélioration du taux d'emploi, qui s'est situé à 37,6% au cours de la même période, mais sans pour autant permettre une décrue du taux de chômage, s'établissant pour le cinquième trimestre consécutif au-dessus de 13%. La demande intérieure resterait le principal moteur de l'activité, avec une hausse de 5,4% au quatrième trimestre alors que l'inflation sous-jacente, qui exclut les prix soumis à l'intervention de l'Etat et les produits à prix volatils, aurait évolué à un rythme légèrement supérieur à celui réalisé un trimestre auparavant, soit 2,5% au lieu de 2,3%. Elle se situe pour le quatrième trimestre consécutif au-dessus de l'inflation globale. Cette évolution serait attribuable à la hausse des prix des produits alimentaires non frais, mais également à l'augmentation de 1,4% et de 0,6% de ceux des services et des produits manufacturés. Yassine Saber / Les Inspirations ECO