SM le Roi Mohammed VI a reçu, lundi à Tétouan, un émissaire du nouvel homme fort de Nouakchott. Les deux pays ont convenu de "renforcer leurs relations fraternelles". Le changement de régime en Mauritanie n'altérera en rien les relations privilégiées qui lient Rabat et Nouakchott. C'est là le message principal qu'est venu livrer un émissaire du président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) au Souverain Mohammed VI. A cet effet, SM le Roi a reçu lundi dernier à Tétouan, le ministre mauritanien des Affaires économiques et du Développement, Mohamed Ould Abed, qui a déclaré à l'issue de cette audience qu'il a eu "l'honneur de remettre à Sa Majesté le Roi ce message portant sur la détermination du Conseil et de la Mauritanie à renforcer les bonnes relations fraternelles qui lient les deux pays frères". Le déplacement du ministre mauritanien, fraîchement nommé à ce poste, est un geste symbolique envers le Maroc. En effet, la première personnalité étrangère à s'être rendue à Nouakchott, juste après la destitution de l'ancien président mauritanien Mouawiya Ould Sid' Ahmed Taya, fut marocaine. En l'occurrence Yassine Mansouri, directeur général de la direction générale des études et de la documentation (DGED). A l'issue de son entrevue avec le nouvel homme fort de la Mauritanie, le Colonel Ely Ould Mohamed Vall, Yassine Mansouri n'avait fait aucune déclaration officielle. Personne ne pouvait donc savoir si les relations entre les deux pays allaient connaître un nouveau tournant, une quelconque tension. Car il était de notoriété publique que l'ancien président mauritanien Mouawiya Ould Sid' Ahmed Taya jouissait d'un soutien total de la part des autorités marocaines. Mais Rabat, comprenant que le renversement de son ancien allié relevait des affaires purement internes de la Mauritanie, a rapidement adopté une attitude de neutralité. Les discussions entre Yassine Mansouri et les responsables mauritaniens ont ainsi permis à Rabat de réaliser que la Mauritanie "post-3 août 2005" ne représente aucune menace pour les intérêts suprêmes du Maroc, et à leur tête l'affaire du Sahara. Échange de bons procédés: le premier déplacement d'un haut responsable mauritanien, en l'occurrence le ministre des Affaires économiques et du Développement (MAED), a été effectué au Maroc. La symbolique est importante en politique. Les déclarations aussi, le ministre mauritanien, présenté par la presse de son pays comme étant "l'un des cadres les plus brillants et surtout les plus intègres de la République", a laissé entendre que le Maroc n'avait absolument rien à craindre de la nouvelle Mauritanie. D'ailleurs, il a assuré avoir "perçu chez SM le Roi une grande disposition à consolider les relations bilatérales". En outre, l'accueil de l'émissaire mauritanien constitue une reconnaissance de facto du nouveau gouvernement intérimaire et partant du nouveau régime instauré en Mauritanie. Rappelons que le Colonel Ely Ould Mohamed Vall, directeur de la sûreté nationale (police), s'est emparé du pouvoir en Mauritanie à la faveur d'un coup d'Etat perpétré en l'absence du président Mouawiya Ould Taya, à Ryad pour les obsèques du Roi Fahd. Considéré jusqu'à présent comme un proche du président Taya, le Colonel Ely Ould Mohamed Vall, âgé d'une cinquantaine d'années, a pris la tête d'un "Conseil militaire pour la justice et la démocratie" fort de 17 membres. Dans un communiqué retransmis en milieu d'après-midi par l'Agence mauritanienne d'information (AMI) et signé par le Conseil militaire pour la justice et la démocratie, les putschistes ont affirmé que "les Forces armées et de sécurité ont unanimement décidé de mettre fin aux pratiques totalitaires du régime dont notre peuple a tant souffert ces dernières années". "Ces pratiques ont engendré une dérive dangereuse pour l'avenir du pays. A cet effet, les forces armées et de sécurité ont décidé la mise en place d'un Conseil militaire pour la justice et la démocratie", poursuit le texte. Les putschistes s'engagent également à "créer les conditions favorables d'un jeu démocratique ouvert et transparent sur lequel la société civile et les acteurs politiques auront à se prononcer librement".