Vingt jours après le coup d'Etat survenu à Nouakchott, les mauritaniens apprennent à vivre avec le gouvernement de transition. Pour le moment, le CMJD a accueilli à sa table l'opposition légale, tout en gardant ses distances avec les mouvements en exil. Après une longue valse entre Niamey et Banjul, le président mauritanien déchu, Maouiya Ould Sidi Ahmed Taya, est enfin arrivé au Qatar, lundi 22 août, en compagnie de sa femme et de ses quatre enfants. Auparavant, dans la capitale gambienne, le colonel, accompagné par Yaya Jameh juqu'à la passerelle de son avion, aura eu droit à des honneurs militaires digne d'un président de la république. A noter qu'aucun des hommes du sérail de Ould Taya ne l'accompagnait dans ce dernier périple. Dans son avion, l'ex-homme fort de Nouakchott a sûrement ressassé à volonté la célèbre formule de César «Dieu protège moi de mes amis…», dégainée dans l'unique interview accordée depuis le 3 août, en l'occurrence, à Radio France Internationale. Lâchée par ses amis à Nouakchott et par le parti qu'il a fondé, le PRDS, évoluant en quasi-parti-Etat depuis 1992, Ould Taya n'en continuera pas moins de peser pour longtemps dans l'ombre de cette fragile transition dont on attend encore les concours définitifs. Ce point de chute qatari, loin des sables mouvants de Nouakchott, semble être le dernier épisode d'une page de l'après coup d'Etat apparemment difficile à refermer. En effet, comme le rapportent les agences de presses occidentales, les autorités de Doha ont tenu à obtenir de l'ex –chef d'Etat «l'engagement à renoncer à toute activité politique afin de préserver les bonnes relations entre Doha et Nouakchott». Loin de ces compromis, à Nouakchott, l'heure est aux grandes manœuvres politiques. A l'exception du Congrès pour le rétablissement de la démocratie en Mauritanie (CRDM), dirigé par Mohamed Ould Berrou, premier conseiller de l'ambassade de Mauritanie à Londres, et d'une association auto-baptisée «Démocrate sans frontières», rares sont les partis et les mouvements politiques qui dénoncent le putsch. Le débat est focalisé plutôt sur les séquelles de la «rencontre de Dakar», du nom d'une tentative de médiation tenue à Dakar récemment sous les auspices du président Abdoulaye Wade, avec des membres de l'opposition en exil. Une initiative ponctuée d'une «renonciation symbolique aux armes», mais qui a provoqué un tollé dans les milieux nationalistes mauritaniens qui ont tous crié au loup et à l'ingérence du voisin sénégalais. D'ailleurs, le même Wade reviendra dans un entretien inédit accordé au journal Calame sur cette initiative qui «avait l'aval du Conseil militaire pour la justice et la démocratie et du colonel Ely Ould Mohamed Vall lui-même. Le fait que celui-ci fasse marche arrière, en se désolidarisant de l'initiative de Dakar a jeté un véritable bémol dans les rangs de cette opposition en exil, à couteaux tirés aujourd'hui avec l'opposition légale. Celle-ci, à l'image de Messaoud Ould Boukheir, président de l'Alliance populaire progressiste, a été reçue par les militaires au pouvoir. Mais la réaction la plus ferme à l'initiative de Dakar viendra surtout de l'Union des forces progressistes, principal parti de gauche reconnu dans le pays qui a qualifié de «malheureuse» la rencontre de Dakar. C'est dire combien les questions soulevées à Dakar, à savoir celle des réfugiés mauritaniens au Sénégal et au Mali ou encore le passif humanitaire, restent sensibles au sein d'une opinion publique majoritairement favorable à la politique de «Wait and See », à l'égard du colonel Ely Ould Mohamed Vall. Un blanc-seing de facto, donné par la classe politique locale, la seule admise actuellement à la table des colonels. Les déclarations du Premier ministre, Sidi Mohamed Ould Boubakar, sur sa mission, «préparer la mise en place d'institutions réellement démocratiques à l'issue d'élections honnêtes et transparentes», ont d'elles- même prolongé l'idylle entre le nouveau pouvoir et l'opinion mauritanienne. Question qui revient constamment dans les joutes politiques entre partis de diverses obédiences : doit-on mener la transition sans les partenaires extérieurs ? Ce n'est en tout cas pas l'avis du mauritanien, Ahmed Ould Abdallah, envoyé de Koffi Annan en Mauritanie, convaincu que le pays a besoin de tous ses partenaires étrangers.