L'homme a été jugé ces dernières semaines pour avoir fait avaler à son amie, sous prétexte de la faire avorter, du Phostoxin. Une substance utilisée d'ordinaire pour protéger des produits agricoles. En fait, de nombreuses matières toxiques sont en vente libre dans le pays et à bon marché. Une invitation au crime et un laisser-faire dangereux. Abdelaâli est au volant de sa BMW alors qu'il est en proie à une vive anxiété. Il vient de quitter sa demeure, un peu plus loin du centre de Sidi Bennour, et roule droit devant lui. Son cœur bat la chamade, son sang balance à la vitesse d'un clip tout au long de ses veines. À sept kilomètres du nord-ouest, il bifurque à droite, à destination d'El Aâounate, puis il prend à gauche pour prendre le chemin de Beni H'lal. Il tourne la tête de temps à autre vers le siège arrière. La route lui semble plus longue que le temps. «Quelle horreur ! Comment en suis-je arrivé à commettre un tel crime?…Je devais au moins patienter quelques moments…», se reproche-t-il. De temps à autre, il porte la main à la gorge, ressentant une sensation d'étouffement, comme si une main invisible l'étranglait. Il emprunte une route goudronnée avant d'arriver du côté droit du ruisseau «Anfou». Son cœur bat à tout rompre. Puis, il se penche pour déposer délicatement le corps près du ruisseau. Puis il remonte dans sa voiture et met le plus de distance entre lui et le cadavre de la jeune fille. «Non, non…ce n'est pas moi, Monsieur le président !… Tout ce qui a été consigné dans le procès verbal est faux !… Je n'ai rien dit à la police et je n'ai pas lu ce procès-verbal que j'ai signé sous la torture…», tente Abdelâali de se disculper. Mais, dans la salle, il n'y avait que des témoins à charge attestant qu'il avait une relation avec la défunte, Fatima, a trente-neuf ans, Abdelaâli a déjà convolé en justes noces à trois reprises. Son métier de charlatan lui permet de rencontrer beaucoup de femmes… Et il ne résiste pas à la tentation de les séduire, de les épouser et de les… répudier. C'était devenu pour lui un jeu auquel il s'était piqué. Fatima, dix-huit printemps, était l'une de ses clientes. Son oncle l'avait un jour emmenée chez Abdelaâli pour qu'il l'exorcise de la «possession». La jeune fille commence à fréquenter le charlatan-séducteur. Elle finit par s'habituer à lui, lui faisant sa lessive, lui préparant ses repas de temps en temps… « Je n'ai jamais eu de relation amoureuse ou sexuelle avec elle... Elle était l'un de mes clientes, sans plus !… », affirme Abdelaâli devant le président de la Chambre Criminelle près la Cour d'appel d'El Jadida. «Faites venir le témoin Zayneb…», demande le président de la Cour à l'agent de la salle d'audience. Zayneb, une cousine de Fatima, la vingtaine, se dirige à pas lent vers le box, prête serment : «J'avais une liaison avec Abdelaâli…Il m'a demandée en mariage deux mois plus tard… Mais j'ai refusé parce que j'étais convaincue que mes parents s'y opposeraient … Car je suis la benjamine et mes parents ne me marieront pas avant mes sœurs… Il avait effectivement une relation avec ma cousine Fatima et celle-ci est tombée enceinte de lui…». C'est le témoignage-clé. Un coup de grâce que le représentant du ministère public saisit au vol : « Monsieur le président, Abdelaâli a empoisonné sa maîtresse Fatima…C'est une réalité incontestable, précise le substitut du Parquet général dans son réquisitoire…Il a eu une relation amoureuse avec elle, il lui faisait l'amour. C'est lui qui l'a déflorée et elle est tombée enceinte… ses parents ont refusé de la lui donner en mariage car ils étaient au courant de ses trois mariages et divorces précédents… Ils ne pouvaient pas accorder la main de leur fille à quelqu'un qui l'aurait répudiée par la suite…Fatima a insisté pour qu'il l'aide soit à avorter, soit à la prendre pour épouse…Malheureusement, il a pensé l'empoisonner…il s'est rendu au Souk hebdomadaire du dimanche «Had Laâounate», pour y acheter deux comprimés de «Phostoxine» utilisé pour l'empoisonnement des rats qui ravagent le blé… c'est un poison d'une efficacité redoutable. Et dont l'effet mortel est très rapide… il a dilué les comprimés dans un verre d'eau et, prétextant qu'il s'agissait d'un produit abortif, il a donné le breuvage mortel à Fatima… Monsieur le président, je requiers la peine capitale contre Abdelaâli selon les dispositions de l'article 398 du Code pénal qui stipule que «quiconque attente à la vie d'une personne par l'effet de substances qui peuvent donner la mort ou plus moins promptement, de quelque manière que ces substances aient été employées ou administrées, et quelles qu'en aient été les suites, est coupable d'empoisonnement et puni de mort»...