ALM : Quand on est pris dans un embouteillage, ce qui arrive de plus en plus souvent, on pêche à la ligne en écoutant la radio. C'est ainsi que beaucoup d'auditeurs ont pêché dans la ligne des nouvelles diffusées ce matin que le chômage ne cesse d'augmenter et que nous en sommes déjà à plus d'un million de sans-emploi. Quel commentaire fait le ministre de l'emploi et des affaires sociales de ce chiffre ? Abdesslam Seddiki : Vous savez, chacun voit midi à sa porte. Ceci dit, ce chiffre est peut-être en dessous de la réalité puisqu'il ne concerne que le chômage déclaré, n'a trait qu'aux cas recensés. Car si les données sont assez précises en ce qui concerne les villes, les 4% auxquels on estime le taux dans le monde rural ne reflètent certainement pas le vécu. Il y a donc plus d'un million de chômeurs. Comment leur donner du travail quand les experts nous disent qu'il faut réaliser plus de 8% de croissance pour créer 300.000 emplois par an ?
A mon avis, il faut tout autant livrer bataille sur le plan de l'économie au sens strict qu'au moyen d'autres leviers. Pour résorber dans le moyen terme le passif actuel, pour donner donc du travail au million des sans-emploi recensés, il faut créer 300.000 postes par an. L'affaire se corse quand on sait que chaque année la situation est aggravée par l'arrivée sur le marché du travail de quelque 180.000 demandeurs nouveaux. Or, et c'est prouvé, chaque point additionnel de croissance ne crée que 25.000 à 30.000 postes de travail. Je vous laisse faire les comptes. Vous l'avez certainement fait pour nous. Alors quel en est le résultat ? Il faut 6% de croissance pour que les 180.000 trouvent embauche. Il faut une croissance à deux chiffres pour espérer présenter une offre de travail globale quantitativement satisfaisante pour éponger le passif cumulé. D'où ce simple constat : la croissance à elle seule ne suffira pas à réduire le taux de chômage. Ou plutôt, il faut appuyer l'effet d'induction de cette croissance par d'autres mesures. Lesquelles ? Il y en a plusieurs. Par exemple l'émigration. Nous sommes actuellement en discussions avec un certain nombre de pays du Moyen-Orient tels que le Qatar, le Koweït et l'Arabie Saoudite. Et là je peux vous affirmer que les choses avancent à bon train et dans le bon sens. Il y a aussi les nouveaux métiers. Ils représentent l'avenir et constituent des viviers potentiels de grande importance. Mais surtout, il y a les activités traditionnelles à fort potentiel d'emploi et de croissance que sont l'artisanat, certaines activités de services et dans une moindre mesure le textile. Quelle est la part du ministère dans ce qui semble être votre nouvelle stratégie ? Rassurez-vous, le ministère prendra ses responsabilités. C'est ainsi que nous travaillons à améliorer la gouvernance du marché du travail. A lui assurer plus de transparence et surtout à aménager les conditions d'une meilleure adéquation entre la nature de l'offre et celle de la demande exprimée sur ce marché. Objectif admirable, certes, mais comment ? D'abord en rendant l'information relative à ce marché disponible en quantité et en qualité. Pour ce faire, nous envisageons d'élargir le champ d'action et l'aire géographique de l'Anapec. Il faut rendre l'information disponible et accessible à tous en créant des antennes de l'agence où l'activité économique existe. Nous comptons de surcroît ouvrir l'agence aux non-diplômés. Car le chômage ne touche pas que les seuls diplômés et il est aberrant de ne pas se préoccuper des cas de gens qui n'ont pas de diplômes mais qui, cependant, ont du métier et de l'expérience. Cette ouverture du champ d'action, nous nous promettons de la renforcer par une autre de capital et de gestion. Le ministère de l'emploi et des affaires sociales envisage en effet d'ouvrir le capital de l'Anapec au patronat et au syndicat. Comme de bien entendu, cette ouverture donne sur la participation directe à la gestion de l'agence. On peut en espérer des échanges qui améliorent l'adéquation entre l'offre et la demande d'emploi. Reste la part de travail propre à l'administration centrale. Nous avons procédé à une restructuration de notre organigramme qui comporte désormais une direction dédiée à l'observation, au suivi et à l'évaluation du marché. Elle a également un rôle prospectif pour déterminer non seulement les besoins de ce marché, mais encore elle a le rôle de veille sur l'évolution des ressources humaines et leur formation. Où en est le dialogue social ? Je n'ai pas participé à la réunion de la reprise, ayant été en mission au moment de sa tenue. Le fait est qu'il faut se féliciter de cette nouvelle rencontre et la saluer come un événement majeur dans le contexte politique et économique actuel. Les échos que j'en ai eus incitent à l'optimisme. Les uns et les autres, le gouvernement comme les partenaires sociaux y ont fait montre de la volonté d'aboutir. Preuve en est qu'une nouvelle réunion est prévue avant le 1er mai. Mais, qui inclura le patronat cette fois-ci. Oui, je peux le dire : je suis optimiste. Dès lors que chacun est convaincu que l'économie est saine, mais fragile, il sait jusqu'où aller ou ne pas aller. Appel du large qui invite à ne pas rester à lézarder sur la grève. Laquelle grève, mais sur un autre registre, fait polémique. Où en est le texte ? On ne peut pas avancer de date précise, mais on peut en avoir une idée en procédant par approches successives. Premièrement, c'est un droit qui est garanti par la Constitution. Deuxièmement, cette même Constitution oblige le gouvernement à réaliser les instruments de l'application de son contenu au cours de l'actuelle Législature. Troisièmement, le plan législatif du gouvernement prévoit d'adopter les lois organiques au cours de cette année. On peut valablement en conclure que la loi sur la grève sera du lot.