Le Maroc connaît une situation acridienne inquiétante. Des essaims de criquets sont arrivés jusqu'aux villes d'El Jadida et Essaouira. Mille personnes sont sur le pied de guerre pour lutter contre un fléau qui menace de faire réapparaître de vieilles angoisses relatives à l'un des insectes parmi les plus dévastateurs de la nourriture des hommes. La menace d'une invasion de criquets pèlerins pèse réellement sur le Maroc. Un haut responsable au ministère de l'Agriculture a indiqué à ALM que 1000 personnes sont mobilisées pour lutter contre ce “fléau national“. Des éléments de la protection civile, du ministère de l'Intérieur et de la Gendarmerie royale sont sur le pied de guerre. Le ministère de l'Agriculture a mobilisé pour sa part la Direction des végétaux pour participer au comité de lutte antiacridienne. Une cellule de crise a été créée le 8 novembre 2003. Elle est basée au groupement aérien de la Gendarmerie royale à Rabat et porte le nom de Poste central de coordination (PCC). Cette cellule coordonne les efforts des différentes composantes qui participent à la lutte antiacridienne. Les indices de la menace des criquets ne manquent pas. En plus du nombre impressionnant de personnes qui sont sur le terrain, des avions ont été loués pour traiter des surfaces plantées. Selon un communiqué du PCC, 117 hectares, infestés par des essaims en voie de grégarisation, ont été traités durant le mois de février. La semaine dernière, une avant-garde de criquets s'est aventurée jusqu'aux villes d'El Jadida et d'Essaouira. Les habitants de ces deux villes, surpris par cette invasion qui rappelle tant de mauvais souvenirs, ont appréhendé le pire. Un essaim de criquets, couvrant une surface de 100 ha dévore, aisément, 100 tonnes de produits végétaux par jour. Les acridiens ne laissent rien derrière eux. Les criquets viennent à bout, selon une expression consacrée, du “fertile et de l'ingrat“. Ils dévorent les tiges des végétaux jusqu'à la base. Les criquets que le vent a portés jusqu'à El Jadida et Essaouira étaient heureusement peu nombreux et d'un âge avancé. “Ce que nous redoutons avant tout, c'est l'infiltration de criquets jeunes dont la voracité est terrible. Nous les redoutons avec d'autant d'inquiétude que le mois de mars est leur période de reproduction“, ajoute un autre responsable au ministère de l'Agriculture. D'ailleurs, le communiqué du PCC porte une phrase très inquiétante : “les incursions des criquets vont se poursuivre de façon intensive jusqu'en mai-juin prochains“. Les arganiers de la région de Tiznit ont déjà fait les frais de ces incursions. Seul un produit mélangé à l'eau, et projeté à partir d'avions, a empêché que les criquets ne s'agglutinent plus longtemps sur les arbres, mettant ainsi en péril plusieurs arganiers. Les moyens mis à la disposition et PCC demeurent cependant insuffisants, en raison de la reproduction imminente des insectes et de la menace de leur grégarisation sur le sol marocain. Le Maroc n'est pas toutefois le seul pays, menacé par une invasion d'acridiens. La presse algérienne a rapporté mardi que des criquets ont dépassé, “la première ligne de protection“, située à l'extrême sud du pays. Ils ont atteint les oasis du sud de l'Algérie au niveau de Ghardaïa. Les criquets pèlerins proviennent généralement de la Mauritanie, considérée comme un corridor pour leur passage entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne. Depuis novembre, des équipes marocaines et algériennes de lutte antiacridienne avaient été déployées en Mauritanie pour lutter contre des foyers d'essaims de criquets. Elles ont traité de larges surfaces avant le 15 février, date à laquelle les œufs éclosent, libérant des essaims de criquets dévastateurs. Vraisemblablement, de nombreux criquets n'ont pas été tués dans l'œuf.