Le Maroc connaît une situation acridienne inquiétante. La menace est devenue perceptible à partir de la troisième semaine de février et n'a cessé de s'intensifier depuis. Chronologie d'une lutte qui est loin d'être finie. Rares sont les personnes qui prenaient au sérieux la menace du criquet pèlerin, jusqu'à ce qu'une avant-garde d'acridiens arrive jusqu'aux villes de Safi, El Jadida et Essaouira. Les criquets qui sont parvenus jusqu'à ces villes, dans la troisième semaine du mois de février, étaient heureusement peu nombreux et âgés. Mais ils ont réussi à ressusciter toutes les angoisses relatives à un insecte connu pour sa voracité incomparable. Les arganiers de la région de Tiznit ont également fait les frais des incursions des criquets le 19 février. Après ces présences remarquées d'essaims, il n'était plus possible de maintenir confidentielle la lutte antiacridienne, entamée depuis novembre 2003. D'abord en Mauritanie, considérée comme un corridor pour le passage des criquets entre l'Afrique du nord et l'Afrique subsaharienne. Et ensuite sur le sol marocain. Un poste central de coordination de la lutte antiacridienne (PCCLA), basé au groupement aérien de la Gendarmerie royale à Rabat, a été créé à cet effet en vue de coordonner l'action de nombreux acteurs mobilisés. Des éléments des FAR, de la Gendarmerie royale, de la Protection civile, du ministère de l'Intérieur, du ministère de l'Agriculture et du ministère de la Santé participent à la lutte antiacridienne. S'il fallait un indice du sérieux de la menace qui pèse sur le Maroc, il faut le chercher dans cette extraordinaire mobilisation et dans les 1000 personnes qui sont sur le pied de guerre pour bloquer l'avancée des insectes. Comme dans une guerre, le PCCLA publie chaque vendredi un communiqué pour dresser un état des lieux. En dépit d'un ton qui se veut rassurant, les communiqués font état de “remontée massive d'essaims de criquets venant de Mauritanie“. On y lit aussi des informations inquiétantes comme celle diffusée la première semaine de ce mois-ci : “des essaims importants ont atteint l'Oued Draâ où des pontes sont en cours à la faveur de bonnes conditions écologiques“. Si ces œufs venaient à éclore, il faudrait redouter le pire. Rien ne peut entraver la progression des jeunes criquets dont le pouvoir de destruction est littéralement extraordinaire. Un essaim de criquets jeunes, couvrant une surface de 100 ha, dévore aisément 100 tonnes de produits végétaux par jour. Il ne laisse qu'un spectacle de désolation totale après son passage. Les criquets dévorent les tiges des végétaux jusqu'à la base. A mesure que la menace des acridiens devenait préoccupante, les moyens de lutte se sont intensifiés. Les surfaces traitées par jour ont dépassé, à partir de mars, 20 000 ha. Les produits utilisés sont le Décis EC dans les périmètres cultivés et le Malathion ULV ou le Décis ULV dans les terrains incultes. Ces deux produits sont soit projetés par des avions, soit par des équipes terrestres. Le Maroc ne lutte pas seul contre les criquets. Des réunions se sont tenues avec les représentations de la FAO, de l'Espagne, des Etats-Unis, de l'Usaid. Une réunion à haut niveau a eu lieu le 5 mars 2004 au siège de la FAO à Rome pour examiner les possibilités d'appui au Maroc dans ses efforts visant à éradiquer la menace des acridiens. Cet insecte a toutefois bénéficié d'une trêve. Selon une source autorisée, l'intérêt du gouvernement s'est déplacé des criquets vers Al Hoceïma, à l'occasion du tremblement de terre.