250 Millions. C'est le nombre de personnes qui – de par le monde – utilisent des drogues considérées comme illégales ! Pouvons-nous les traiter tous comme des criminels ? La réponse d'une commission internationale est sans équivoque : c'est tout simplement impossible et irréaliste. Les gens de cette commission ne sont pas n'importe qui ! Parmi ses membres les plus imminents on trouve l'ancien Secrétaire General de l'ONU Kofi Annan, ainsi que les anciens présidents César Gaviria de Colombie, Ernesto Zedillo du Mexique et Fernando Henrique Cardoso du Brésil. 38.000, est un autre chiffre frappant ! Il s'agit du nombre des personnes tuées, depuis un peu plus de quatre ans que dure «la guerre» que mène le gouvernement mexicain aux cartels de la drogue. Pour bien marquer les esprits, le rapport de la commission internationale souligne que «lorsqu'une politique vieille de 40 ans ne produit pas les résultats escomptés, vous devez vous poser la question de savoir s'il n'est pas temps de la changer». En fait, cela fait 50 ans – un demi-siècle donc - depuis l'adoption par le Nations Unies de la convention unique sur les stupéfiants, ratifiée à New York le 30 mars 1961. Les initiateurs du rapport disent que cette convention est devenue nulle et non avenue, car «elle a échoué à réduire l'offre et l'utilisation des drogues». Pour confirmer leurs conclusions, ils citent les propres chiffres de l'organisation onusienne : la consommation globale de la marijuana a augmenté de 8% entre 1998 et 2008. Plus inquiétant encore, celle de la cocaïne a cru de 27% durant la même période ! D'où la recommandation choque du panel international : mettre un terme à «la criminalisation, à la marginalisation et à la stigmatisation des personnes qui utilisent des drogues ne représentant aucun danger pour la communauté». Kofi Annan et ses collègues suggèrent aux gouvernements du monde d'essayer des pistes nouvelles, dont «la légalisation des drogues comme la marijuana» ! Un moyen efficace, disent-ils, de «frapper les cartels de la drogue là où ça fait le plus mal», en réduisant – voir en annihilant - leurs profits faramineux. Cette recommandation a provoqué les vives réactions des gouvernements américain et mexicain. Les deux sont engagés dans une lutte sans merci contre les trafiquants de drogue. Une lutte qui coûte beaucoup d'argent, notamment au contribuable américain. Mais, comme pour enfoncer le clou, un autre rapport vient de pointer «les échecs» de la stratégie de l'administration Obama dans ce domaine. C'est un rapport tout ce qu'il y a de plus américain ! La présidente de la sous-commission sénatoriale qui l'a rédigé, n'y va pas par quatre chemins. Claire McCaskill pointe du doigt les sommes astronomiques dépensées par Washington pour assister les gouvernements latino-américains dans leur lutte contre les trafiquants de drogue. Elle pense que les Etats Unis «jettent l'argent par la fenêtre». Cela fait des années, dit-elle, que «nous ne savons pas ce que nous gagnons en retour». En attendant, les cartels du Mexique et du Panama par exemple ont engagé une bataille meurtrière pour sauvegarder leurs intérêts financiers. Une guerre totale, qui fait qu'une ville comme Tijuana en basse Californie au Mexique, juste en face de la ville américaine de San Diego, est de moins en moins sûre ! C'est le cas également de la tristement célèbre Ciudad Juarez, ou de la localité de Cuernavaca. Située à une heure de route de la capitale Mexico City, Cuernavaca était réputée pour être un repère paisible pour intellectuels et travailleurs de la classe moyenne. Elle s'est transformée en un autre champ de bataille non seulement dans la lutte meurtrière que se livrent les cartels de la drogue, mais aussi dans la guerre que leur livre le gouvernement du président Vicente Calderon, avec l'assistance financière, logistique et humaine de Washington. Sauf que cette stratégie de répression qui remonte aux années 1980 n'est toujours pas venue à bout de tous les maux liés au trafic et à la consommation de la drogue. Pire, dès qu'ils sentent que l'étau se resserrent contre eux, les barons latino-américains déplacent leurs activités un peu plus vers le sud. Ainsi, après le Mexique et la Colombie, ce sont maintenant des contrées difficiles d'accès au Pérou et en Bolivie qui sont en train de devenir les centres mondiaux de la culture et du traitement de la feuille de Coca. Ce qui nous ramène aux recommandations de ce panel international. Elles sonnent comme un écho à ce que d'aucuns, de la Californie à Washington, pensent tout bas sans oser - pour le moment - le prononcer haut et fort ! Car il est de plus en plus admis que la prochaine étape dans la lutte contre les crimes liés au trafic et à la consommation des drogues, sera celle de la dépénalisation et de la régulation. Ce sont là les éléments de réflexion qu'il serait temps d'engager dans un pays comme le Maroc, alors qu'il est en pleine rédaction de ce qui devrait être l'ultime chapitre de sa transition démocratique.