Driss Louiz vient de publier son premier recueil de poésie au moment où l'on s'y attendait le moins, ou plutôt au moment où l'on ne s'y attendait plus. En effet «Les mémoires d'un chômeur», du même auteur, paru aux éditions rapides, Kénitra, avait les allures d'inaugurer une ère de publications en série, tant le roman couvait, dans les méandres de ses intrigues, de nouvelles perspectives. Il n'en fut rien : « Poèmes en spirales », venu sur le tard à la publication, n'est que la redondance en vers de «Les mémoires d'un Chômeur». Il retrace la vie de l'auteur en quête de position, une portion d'existence où le grelot de la misère sonnait lamentablement au rythme des pas. D. Louiz s'évacue derrière un passé en plein présent parce qu'il juge ce passé toujours d'actualité. La misère et l'injustice qui ne le touchent plus, touchent aujourd'hui les autres, et elles les touchent probablement plus qu'elles ne l'ont touché lui-même ! Pour dénoncer le privilégiement ou la répression, le poète se garde d'appeler les choses par leurs noms, encore moins de les suggérer par les procédés dont il pourrait se servir, haut la main. Toute sa poésie est une poésie de résignation, une initiation à l'art de survivre à l'oppression morale en faisant des vers : «j'écris… Pour éveiller un espoir endormi Au milieu de milles hésitations Pour ne pas me livrer au feu». Si Louiz n'était pas venu au monde avec cette trempe poétique qui a fait de lui ce qu'il est aujourd'hui, il y a longtemps qu'il se serait immolé par le feu. Il a contracté alors l'usage de l'opium du roulis poétique. Dès lors, il n'était pas une seule déconvenue, pas la moindre lueur d'espoir qui ne fussent l'objet d'une mise en vers sur un diapason de délire extatique ou de mélancolie morbide. Dans la poétique de Louiz, les mots ne renvoient pas forcément à un secteur du réel, c'est dans leur configuration graphique et sonore que tout est dit, parce que les mots il les pince pour en faire jaillir des sons, il les fait s'entrechoquer pour produire une percussion. Pour jouer des airs en choisissant la note appropriée Louiz s'impose en maître, ainsi que l'attestent les prix remportés le long de la dernière décennie. Le titre de l'œuvre n'est pas arbitraire, l'espoir étant toujours un jeu d'illusions, qui apparaît, disparaît pour réapparaître en s'arrêtant en chemin,à moins de vous toucher de près avant de s'éloigner dans les airs en tournoyant telles des spirales, comme l'illustre cette admirable allégorie «j'ouvre la porte Elle était déjà partie Je n'ai rien compris Qui frappait à ma porte En ce temps-ci ?» Driss Louiz est un poète d'aujourd'hui ou d'hier ? L'anachronisme n'est pas du domaine de la poésie, et si dans « poèmes en spirale » ressurgit le chômeur aux semelles usées, il n'en demeure pas moins certain qu'on a affaire à un artiste du son qui nous dit lui aussi dans tous ses textes : « De la musique avant toute chose » !