Deux images illustrent le dilemme de l'administration américaine face à la révolte du peuple égyptien. La première est celle de ces jeunes manifestants brandissant face aux caméras du monde entier les douilles de grenades lacrymogènes, tirées sur eux par les forces de sécurité égyptienne. Sur ces douilles une inscription en anglais : MADE IN USA ! Elle sonne comme un argument irréfutable du soutien américain à un régime vieillissant et corrompu, dont la seule motivation est de perdurer au pouvoir. La deuxième image est celle de Barack Obama s'adressant aux Américains et au monde après le speech du Raïs égyptien. On voyait bien que le président américain s'essayait à un grand écart politique auquel il n'était pas préparé ; lui qui avait choisi le Caire en juin 2009pour dire aux arabes et aux musulmans, qu'ils ne pouvaient qu'être gagnants s'ils adhéraient pleinement aux idéaux universels de démocratie et de liberté d'expression. Vendredi, les dizaines de milliers d'Egyptiens qui ont défié la machine répressive du régime de Mohammed Hosni Moubarak, ne demandaient pas autre chose ! Il faut dire que pour les Etats Unis, l'Egypte n'est pas la Tunisie. C'est un allié majeur et une puissance régionale qui compte. C'est également un partenaire incontournable dans le processus de paix au Moyen Orient et un joueur clef dans la lutte contre le terrorisme. C'est enfin un acteur économique important, qui contrôle le canal de Suez par lequel transite une grande partie du pétrole pompé dans les pays du Golfe ! Pour toutes ces raisons, les Américains font preuve de prudence et semblent attendre la suite des événements. Dans son intervention, le président américain a dit qu'il avait appelé Moubarak pour l'encourager à réformer l'Egypte. Sauf que le rift est grand. Le président égyptien a 82 ans ; alors que la majorité du peuple égyptien a moins de 30 ans ! Ce sont ces jeunes – qui n'ont connu que lui comme leader – qui ont bravé ses ordres et sont restés dans les rues du Caire toute la nuit, en dépit du couvre-feu ! Ce sont également ces jeunes qui ont tagué « A bas Moubarak » sur les blindés de l'armée égyptienne qui a remplacé les forces du ministère de l'intérieur, honni par les descendants des Pharaons ! Ce sont enfin ces jeunes qui ont repris à leur compte le slogan qui a fait la gloire de Barack Obama : le fameux «YES WE CAN». Vendredi, le peuple égyptien a détruit le mur de la peur pour crier sa soif de liberté, convaincu qu'il est que dorénavant « tout était possible, y compris le départ des dictateurs ».Et s'il y a une chose qu'ils attendent de la part de l'actuel locataire de la Maison Blanche, c'est qu'il mette en œuvre son slogan en apportant un soutien clair et sans équivoque à leur désir de changement.