Les manifestants antigouvernementaux, furieux du maintien d'Hosni Moubarak à la tête de l'Egypte, ont prévu de marcher sur le palais présidentiel vendredi, faisant craindre une confrontation entre l'armée et les protestataires. Au 18e jour de manifestations, des centaines de milliers d'Egyptiens hostiles au raïs étaient toujours rassemblés sur la place Tahrir, dans le centre du Caire, épicentre du mouvement de contestation, aux côtés de véhicules blindés de l'armée. La veille, alors qu'ils croyaient à la démission du chef de l'Etat, au pouvoir depuis trente ans, les manifestants ont entendu Hosni Moubarak annoncer à la télévision le transfert de ses pouvoirs à son vice-président, Omar Souleimane. Dans un communiqué lu à la télévision publique en fin de matinée, l'armée s'est dite prête à lever l'état d'urgence, en vigueur depuis trente ans dans le pays, dès que la situation le permettra, sans donner plus de précisions. Le Conseil suprême des forces armées s'est également porté garant de la réforme de la constitution et de l'organisation d'élections libres et justes, mais les manifestants ont rejeté ces annonces, réclamant toujours le départ de Moubarak. MARCHE SUR LE PALAIS Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le palais présidentiel au Caire pour réclamer la démission de Moubarak et l'armée n'est pas intervenue pour les disperser, rapporte un correspondant de Reuters. Six véhicules blindés entouraient le bâtiment et un fil barbelé en bloquait l'accès. "A bas Moubarak", ont scandé les manifestants qui ont apparemment été autorisés à s'approcher du palais situé dans le quartier cairote d'Heliopolis. L'armée s'est engagée à respecter le droit à manifester et la levée de l'état d'urgence pourrait faire figure de test. Le ministre égyptien des Finances, Samir Radouane, a démenti toute rumeur de prise du pouvoir par l'armée en estimant qu'un coup d'Etat militaire serait "très mauvais pour les jeunes, l'Egypte, l'économie". "Les forces armées sont ici pour protéger les manifestants et pour protéger le pays mais les pouvoirs ont été transférés, non à l'armée, mais au vice-président", a-t-il dit à Reuters. Un membre d'une des organisations de jeunes à l'origine des manifestations qui ont éclaté le 25 janvier dernier, a fait savoir que les manifestants allaient "prendre le contrôle du palais". "Nous allons avoir une masse d'Egyptiens après la prière du vendredi prêts à s'emparer du palais", a déclaré Ahmed Farouk, 27 ans. "L'armée est neutre et n'a blessé aucun d'entre nous." Les manifestants ont émergé des dizaines de tentes où ils ont passé la nuit après le discours de Moubarak qui a suscité parmi eux déception et frustration. Jeudi soir, le raïs a réaffirmé qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat lors de l'élection présidentielle de septembre et a déclaré que les discussions avec l'opposition, encore impensables il y a deux semaines, avaient dégagé un consensus préliminaire de nature à régler la crise. DILEMME "Nous marcherons jusqu'au palais présidentiel et nous chasserons Moubarak, nous savons que le monde est de notre côté", a indiqué Nourrhan Ismaël, un manifestant de 34 ans. "L'armée est détendue en ce moment. Les militaires ont placé un fil barbelé autour mais ils savent que la volonté du peuple peut faire tout basculer", a dit Ismaël à Reuters. "Cela pose un vrai dilemme à l'armée", a estimé Rosemary Hollis, de la London's City University. "Les militaires vont-ils autoriser les manifestants à intensifier le mouvement pour parvenir à faire partir Moubarak, cela signifiant que l'armée se coupe définitivement de Moubarak ? Les manifestants sont très déçus et il y aura de la violence", a-t-elle ajouté. L'opposant égyptien Mohamed ElBaradei a prédit jeudi l'explosion de l'Egypte et appelé l'armée à l'aide, après la décision d'Hosni Moubarak de se maintenir à la présidence. "L'Egypte va exploser. L'armée doit sauver le pays maintenant", a déclaré sur Twitter l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA). Peu de temps après la fin du discours de Moubarak, le président des Etats-Unis, Barack Obama, a déclaré jeudi que les autorités égyptiennes devaient ouvrir la voie à la démocratie de façon crédible et concrète. La ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, a mis en garde vendredi contre toute ingérence dans la situation politique en Egypte tandis que l'Allemagne a jugé insuffisantes les mesures annoncées et s'est inquiétée du risque de violences. (Reuters)