La sortie nationale du tant attendu film « Pégase » du jeune cinéaste marocain Mohamed Mouftakir démarre. L'avant première du long métrage a eu lieu le jeudi au Mégarama à Casablanca. Un film, qui laisse songeur et fait cogiter, secouer, on n'en trouve pas à la pelle dans le cinéma marocain. «Pégase» fait partie des exceptions. Ce premier pas du jeune cinéaste en solo dans la cour des grands ne passe pas inaperçu et non sans susciter les réactions des critiques. D'ailleurs, le film, présenté pour la première fois lors de la 11ème édition du festival national du film de Tanger, a raflé la mise avec six prix qui lui ont été discerné par le jury long métrage. Il a récolté la mention spéciale du jury accordée aux enfants qui ont interprété les rôles de Rihana et de Zayed, le prix de la musique originale, de l'image, du son et de la critique. Le prix du 1er rôle féminin a été attribué ex aequo à Saadia Laadib et Majdouline Drissi pour le même long métrage ainsi que le grand prix du festival pour son réalisateur, Mohamed Mouftakir. L'opus de Mouftakir n'a pas manqué d'intriguer les critiques habituées à des films classiques au ton léger et sans profondeur réel dont le message le remporte sur la beauté esthétique du film. D'ailleurs, « Pégase » a également reçu le prix de la critique au festival de Tanger. Le film a également remporté le grand prix et le prix du deuxième rôle féminin pour Majdouline Idrissi lors de la 13-éme édition du Festival du cinéma africain de Khouribga. Il a été récompensé lors de cette 7è édition du festival de Dubai (le prix du meilleur scénario) La raison de ce succès? La recette n'est nullement magique. Le cinéma dans son essence est censé susciter la réflexion et permettre de développer des pistes de cogitation selon des regards des lectures propres et différentes. « La force de ce film, c'est qu'il est actif. Chaque projection permet de développer une piste. C'est une expérience enrichissante.», selon Mohamed Mouftakir. C'est une histoire qui parait au premier coup banal voire ordinaire de viol et d'inceste que le réalisateur a su lui donner une dimension esthétique très sublime en fusionnant à merveille la mythologie grecque et l'héritage culturel ancestral du Moyen Atlas. C'est l'histoire d'un père phallocrate qui rejette la condition de femme de sa fille. Il l'élève comme un garçon et qui la viole une fois elle atteint l'âge de la puberté. «Pegase» porte bien son nom. A l'image de la créature légendaire, le film recèle des éclairs et tonnerres de sensations qui provoquent des frissons chez le téléspectateur. Sur le plan esthétique, il sort du registre habituel et coupe avec le cinéma classique tant au niveau des techniques de prise de son, de montage, de musique choisie avec délicatesse et qui harmonise avec les rythmes des scènes. Le choix des couleurs, l'interprétation des rôles, etc…, le tout fait que le film soit conçu comme une vraie œuvre d'art. Le film casse également avec la structure narrative linéaire. C'est tout le processus de réalisation et la hiérarchie de la composition du film qui sont revus. Le contenu n'étant plus le maître mot du film mais plutôt le récipient de la fiction. La thématique n'est de ce fait que le prétexte d'un film et non son essence. Dans la logique du réalisateur, c'est l'esthétique du film qui donne au sujet toute sa force. En tout cas, qu'il plaise ou pas, «Pegase» a réussi à rétablir l'harmonie entre le contenant et le contenu qui fait encore défaut dans le cinéma marocain.