Le gouvernement a subi un premier revers majeur à l'Assemblée sur la réforme des retraites mardi soir avec le rejet de l'article instaurant un index des seniors, alors qu'Elisabeth Borne venait de dévoiler de nouvelles concessions aux Républicains sur les carrières longues. Coup de théâtre dès l'article 2: après trois jours de débats marqués par de très vifs incidents, l'Assemblée a rejeté l' »index seniors » par 256 voix contre 203, et 8 abstentions. 38 députés LR ont voté contre. Une claque pour le gouvernement, accueillie par des vivats et des chants des élus de la Nupes, vite rabroués par la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet. « Ce soir, toute la gauche et le FN célèbrent » ce vote, a déploré le ministre du Travail Olivier Dussopt, qui les a traités de « Tartuffe ». « Si la Nupes retire ses amendements inutiles, il est encore possible de mettre en échec le gouvernement sur l'article 7 et l'allongement de l'âge légal à 64 ans avant la fin de la semaine ! », a pour sa part réagi la dirigeante du Rassemblement national, Marine Le Pen. Ce vote négatif promet encore trois jours de suspense et de tension au Palais Bourbon, où les débats s'arrêteront vendredi, avec ou sans vote global, pour un transfert du texte au Sénat. Sans garantie sur la tenue d'un vote et même d'un débat sur l'article 7, qui repousse l'âge légal de départ de 62 à 64 ans. Cet épisode nocturne est une nouvelle preuve également de la grande complexité de l'équation du gouvernement, qui mise sur un accord avec LR pour faire adopter le texte au Parlement malgré la persistance du mouvement social, avec une cinquième journée d'action jeudi. Mardi après-midi, Elisabeth Borne avait lâché du lest sur le volet des carrières longues, en annonçant que les salariés éligibles à ce dispositif, c'est-à-dire ayant commencé à travailler avant 21 ans, n'auraient pas à cotiser plus de 43 ans pour partir à la retraite, dès lors qu'ils auront atteint l'âge de départ anticipé requis. Matignon a ensuite précisé qu'il serait possible de partir sans décote avec ces 43 ans de cotisations. Dans le projet initial, certains salariés en carrière longue devaient cotiser 44 ans. Un nouveau geste du gouvernement envers LR, dont la direction tente de contenir les députés réfractaires à l'adoption du texte. Au premier rang desquels le vice-président du parti Aurélien Pradié, qui en séance mardi soir reprochait encore à Olivier Dussopt de « n'apporter aucune réponse aux questions des parlementaires » et l'avertissait d'un futur « problème démocratique majeur ». Déposé dans la soirée, l'amendement du gouvernement prévoit un possible départ à 63 ans pour ceux ayant travaillé 4 ou 5 trimestres avant 21 ans, ainsi que de futures mesures par décret, ce qui a laissé les LR dans l'expectative. Il reste aussi « 500 millions d'euros à trouver » pour financer ces mesures, a chiffré le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, sur LCI mardi soir. Les débats n'ont guère avancé, la majorité présidentielle, se sentant fragile, ayant plutôt ralenti la cadence. Dans la journée, Elisabeth Borne avait une nouvelle fois exhorté la gauche à retirer les « amendements de blocage » pour permettre « un vrai débat de fond ». Plus de 14.200 amendements restent à examiner d'ici vendredi soir, et 18 articles du projet de loi. La Nupes a retiré plus de 1.000 amendements depuis lundi. Première visée par ces accusations d'obstruction: La France insoumise, fragilisée par les différents incidents de séance, le dernier en date ayant conduit le député Aurélien Saintoul à présenter ses « excuses publiques » au ministre Olivier Dussopt, traité d' »assassin ». LFI est également sous la pression de ses partenaires de la Nupes ainsi que des syndicats. Mais la présidente du groupe LFI à l'Assemblée Mathilde Panot a refusé de s'engager à retirer des amendements, défendant « une stratégie de résistance parlementaire mouvante ». En parallèle, une cinquième journée d'actions attend l'exécutif jeudi, organisée à l'appel des huit principaux syndicats. Une « dernière sommation », dixit Laurent Escure (Unsa), avant une nouvelle journée le 7 mars, après les vacances scolaires, qui pourrait enclencher des grèves reconductibles. Jeudi, les numéros un de l'intersyndicale (CFDT-CGT-FO-CFE-CGC-CFTC-Unsa-Solidaires-FSU) défileront à Albi, symbole de cette France des petites villes très mobilisée contre la réforme. A Paris, la manifestation partira de Bastille en direction de la place d'Italie. Après 963.000 manifestants, selon les autorités, plus de 2,5 millions selon les syndicats samedi, l'affluence devrait être moindre jeudi. Au plan national, une source policière dit attendre entre 450 et 650.000 personnes, dont 40 à 70.000 personnes à Paris. Les perturbations s'annoncent limitées dans les transports, avec 4 TGV sur 5 en circulation et un trafic normal dans le métro parisien. Seul 1 TER sur 2 circulera en revanche dans les régions et à Paris, et le service sera partiellement perturbé sur certains trains de banlieue. De même, 30% des vols à Orly seront annulés, et des aéroports en région affectés.