Après le rejet d'une motion de censure LFI vendredi, la Première ministre Elisabeth Borne a immédiatement dégainé l'arme constitutionnelle du 49.3, pour la sixième fois à l'Assemblée, où les débats se sont surtout focalisés sur des invectives échangées la veille lors d'une séance houleuse. 49.3, motion de censure, nouveau 49.3 et annonce d'une nouvelle motion LFI pour clôturer la soirée: c'est désormais monnaie courante au Palais Bourbon, où l'exécutif fait passer sans vote ses textes budgétaires en raison de l'absence de majorité absolue. « Nous ne pouvons pas recommencer éternellement les mêmes discussions », a argumenté la Première ministre Elisabeth Borne en engageant la responsabilité du gouvernement sur le volet dépenses du budget de la Sécurité sociale, en nouvelle lecture. Juste avant, l'Assemblée avait largement rejeté une motion de censure LFI sur la partie recettes. Elle n'a recueilli que 85 soutiens – insoumis, communistes et écologistes – très loin des 289 voix nécessaires pour faire tomber le gouvernement. Mais les discussions ont moins porté sur la Sécurité sociale et son budget que sur l'atmosphère de tensions qui règne à l'Assemblée nationale depuis 24 heures. Jeudi soir, lors de l'examen d'une proposition de loi LFI, les noms d'oiseaux ont fusé dans l'hémicycle, jusqu'à un « Tu vas la fermer » lancé par l'élu guadeloupéen Olivier Serva (Liot) au groupe Renaissance. A coups de suspensions de séances et d'amendements, le camp présidentiel a exaspéré les oppositions en empêchant le vote d'un texte insoumis en faveur de la réintégration des soignants non-vaccinés contre le Covid-19. Vendredi soir, la LFI Caroline Fiat a pilonné « l'image inadmissible du gouvernement hier » et le ministre Olivier Véran « fanfaronnant comme à son habitude ». Elle a reproché aux macronistes leurs « centaines de sous-amendements ridicules » pour ralentir les débats. Le LR Yannick Neuder a dénoncé à son tour la « situation chaotique d'hier soir », se disant « consterné par le comportement de la majorité et du gouvernement » et son « petit jeu de l'obstruction », un « déni de démocratie ». – « Liquidation » – Et l'écologiste Sophie Taillé-Polian a fustigé la « liquidation du Parlement avant fermeture ». Elisabeth Borne a d'abord joué l'apaisement en appelant à ne pas « basculer dans des jeux de rôle, voire des pugilats ». Puis elle est montée au front contre les « manoeuvres dilatoires » de LFI qui a retiré plusieurs textes pour discuter de sa proposition sur les soignants. « Vous n'appréciez pas que la majorité maîtrise aussi bien que vous le règlement intérieur de votre Assemblée », a-t-elle lancé à l'opposition. Tout au long de la journée, camp présidentiel et opposition se sont renvoyé la responsabilité des invectives échangées la veille. Les députés macronistes ont d'abord réclamé une sanction contre Olivier Serva, avant de temporiser dans une « volonté d'apaisement ». Chez LFI, Mathilde Panot a écrit à la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet pour s'indigner de « l'obstruction gouvernementale » contre la réintégration des soignants. Dans une interview à La Voix du Nord, Mme Braun-Pivet a déploré de façon générale la pratique de « l'obstruction » parlementaire. « C'est quand même la négation même du débat », a-t-elle souligné. La présidente de l'Assemblée entend en parler mardi matin avec tous les présidents de groupes, lors d'une réunion consacrée au rythme éreintant de travail à l'Assemblée où les séances de nuit se multiplient. Sur France Inter, le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester a jugé que dans la nouvelle Assemblée, « c'est peut-être plus violent » et que « des comportements devraient changer ». « Mais en même temps les textes avancent », a-t-il estimé. « On ne peut pas, quand on se comporte comme La France Insoumise depuis six mois, jouer les effarouchés », a-t-il aussi lâché. Le débat sur le budget de la Sécurité sociale a donc été relégué au second plan. L'Assemblée nationale n'avait débattu que trois heures de son volet recettes. Elle avait voté sur proposition du gouvernement une enveloppe supplémentaire de 543 millions d'euros pour l'hôpital en 2022, en raison des « surcoûts liés au Covid ». Ils s'ajoutent aux quelque 570 millions d'euros pour l'hôpital présentés devant le Sénat en première lecture, afin notamment de « faire face à l'épidémie précoce de bronchiolite », avait précisé le ministre de la Santé François Braun.