La gifle infligée à Emmanuel Macron aux législatives l'oblige à procéder à un remaniement pour remplacer les trois ministres battues et compléter voire réorienter politiquement son gouvernement, jusqu'à poser la question du maintien d'Elisabeth Borne à Matignon. Quelques heures après que le chef de l'Etat a perdu sa majorité absolue à l'Assemblée, mettant ainsi en péril sa capacité à mener les réformes promises, les regards sont tournés vers l'Elysée, avec plus d'interrogations que de réponses sur les enseignements à tirer de ces résultats. L'usage au lendemain d'élections législatives veut que le Premier ministre remette la démission du gouvernement au chef de l'Etat. Lequel, traditionnellement, renomme, en cas de victoire, le même chef du gouvernement, conduit quelques ajustements dans son équipe, à commencer par le remplacement des ministres défaits. Cependant, alors que M. Macron et Mme Borne doivent déjeuner ensemble lundi midi, rien n'indique que le chef de l'Etat soit décidé à appuyer rapidement sur ce bouton. Car ce qui n'aurait pu être qu'une formalité après un scrutin réussi a pris un tour délicat: la majorité est réduite à 245 députés sur les 577 de l'Assemblée, et il faut trouver des alliés pour gouverner. Cela au moment où M. Macron doit manoeuvrer dans un calendrier contraint par un tunnel d'obligations internationales qui l'envoient jeudi et vendredi à Bruxelles pour un Conseil européen, puis la semaine prochaine en Allemagne en vue d'une réunion du G7, et à Madrid pour un sommet de l'Otan. Sur le front intérieur, M. Macron pourrait vouloir laisser la poussière retomber à l'Assemblée où arrivaient lundi les premiers parlementaires. « Il nous manque 40 et quelques députés », pour bâtir une majorité absolue de 289, et « on n'a pas encore les idées complètement claires sur ceux qui peuvent nous rejoindre », souligne un conseiller gouvernemental, en évoquant le cas d'élus étiquetés en divers gauche et droite notamment, qui pourraient choisir de se rattacher au camp macroniste. La semaine au Palais-Bourbon va aussi être marquée par une série d'attributions de postes, du Perchoir à la présidence de groupes et commissions. Orphelin de ses piliers à l'Assemblée – le président Richard Ferrand et le patron des députés LREM Christophe Castaner battus dimanche – M. Macron va devoir revoir son casting avec deux options: promouvoir des députés ou dépêcher à ces fonctions des ministres, comme Olivier Véran (Relations avec le Parlement) ou Yaël Braun-Pivet (Outre-mer). Le remaniement qui se profile pourrait en tous cas aller au-delà des trois ministres battues, parmi lesquelles figurent Amélie de Montchalin, aussi vite promue que déchue à la tête d'un portefeuille épais allant de l'Ecologie à la Cohésion des territoires, Brigitte Bourguignon à la Santé, et la secrétaire d'Etat à la Mer Justine Benin. – Borne fragilisée – Au-delà de ces manoeuvres internes, c'est bien l'inflexion politique du gouvernement qui est à remettre sur la table, en profitant notamment de quelques maroquins de secrétaires d'Etat encore à pourvoir. « Il faut en refaire l'équilibre, en rajoutant de la gauche et de la droite », prédit une conseillère de l'exécutif. Quitte à transformer l'opération en chamboule-tout, et démettre Elisabeth Borne, plus connue pour ses qualités de technicienne que pour son envergure politique. Car un mois après sa nomination, la cheffe du gouvernement, qui a multiplié les consultations au sein de la majorité lundi matin selon son entourage, se trouve fragilisée par cette configuration explosive, après avoir été elle-même élue d'un cheveu dans le Calvados dimanche. « Elle est en très grande difficulté pour rester », a déclaré lundi sur France info la députée LFI Clémentine Autain, alors que plusieurs représentants Insoumis ont promis de déposer « une motion de censure ». Le vice-président du RN et maire de Perpignan Louis Aliot a estimé sur France Inter qu'Elisabeth Borne « ne pouvait pas rester » Première ministre parce qu' »elle est trop affaiblie ». La perspective d'une éviction prématurée de Mme Borne relançait les spéculations lundi au sein même de la macronie, surtout dans l'optique où M. Macron voudrait adresser un signal à la droite. « Il y en a deux au sein du gouvernement qui en ont très envie », glisse ainsi une conseillère, en référence aux ministres de l'Economie Bruno Le Maire et de l'Intérieur Gérald Darmanin.