Le nouveau gouvernement français a subi son premier revers dans la nuit de mardi à mercredi à l'Assemblée nationale, où le camp du président Emmanuel Macron ne dispose plus de la majorité absolue, sur un éventuel retour du pass sanitaire. Cette déconvenue illustre le nouveau rapport de forces à la chambre basse du Parlement et les difficultés auxquelles le chef de l'Etat risque d'être confronté au cours des cinq prochaines années pour faire passer ses réformes phares, face à une opposition revigorée. À l'issue d'une séance houleuse, marquée par de nombreuses invectives, les députés ont adopté en première lecture le projet de loi sanitaire de l'exécutif mais l'ont amputé d'un article clé sur le possible retour d'un pass sanitaire pour les entrées sur le territoire en cas de remontée importante des cas de Covid-19. L'article 2 a été rejeté par 219 voix contre 195, grâce à une addition de votes du Rassemblement national (RN, extrême droite), des Républicains (LR, droite) et d'une large majorité de l'alliance de Nupes (gauche), dominée par le parti de la gauche radicale La France insoumise (LFI). « L'heure est grave », a réagi dans la nuit la Première ministre Elisabeth Borne sur Twitter. « En s'alliant pour voter contre les mesures de protection des Français face à la Covid LFI, les LR et le RN empêchent tout contrôle aux frontières face au virus ». « L'heure est simplement à la démocratie avec laquelle vous avez décidément un sérieux problème madame la Première ministre ! », lui a répondu, sur Twitter, le coordinateur de LFI, Adrien Quatennens. « L'heure oblige le gouvernement à écouter les oppositions, ce que pour l'instant ils ont un peu de mal à se résoudre à faire », a abondé le chef de file des LR, Olivier Marleix, au micro de Sud Radio mercredi matin. « Le Parlement a fait son boulot, l'opposition a fait son travail », a estimé pour sa part sur Franceinfo le député RN Sébastien Chenu, se réjouissant que le texte ait été « désossé ». Deuxième manche En dépit du rejet de l'article 2, le projet de loi de « veille et de sécurité sanitaire » a été adopté en première lecture par 221 voix contre 187 et 24 abstentions lors du vote final. L'exécutif mise désormais sur la deuxième manche qui doit se jouer au Sénat, la chambre haute du Parlement, où la droite est majoritaire. « Nous sommes confiants dans la possibilité de convaincre les sénateurs qui sont déjà convaincus de l'intérêt d'une telle mesure », a déclaré le porte-parole du gouvernement Olivier Véran mercredi à l'issue du conseil des ministres. Lors du premier quinquennat du président Macron, l'exécutif pouvait à l'inverse s'appuyer sur une confortable majorité de 346 députés (sur 577) pour une adoption globalement sans peine de ses réformes. La donne a désormais changé. Privé de majorité absolue depuis les élections législatives de juin, le dirigeant centriste-libéral doit composer avec une extrême droite renforcée, disposant de 89 sièges, et avec une gauche remontée à bloc, faisant feu de tout bois. Faute d'être parvenu à un accord de gouvernement, l'exécutif va donc être contraint, pour les cinq prochaines années, de nouer des alliances au cas par cas pour faire adopter les réformes annoncées. Pour autant, aussi mouvementée soit-elle, la situation politique actuelle, à ce stade, ne met pas en péril l'exécutif qui a réchappé la semaine dernière à une motion de censure déposée par la gauche, à laquelle les autres groupes de l'opposition n'ont pas adhéré. Emmanuel Macron pourrait revenir sur cette question jeudi midi sur TF1 et France 2 lors de sa première interview télévisée depuis sa réélection en avril. Le 25 juin, il avait confié que le projet présidentiel, tout comme celui de la majorité présidentielle, pourrait « être amendé ou enrichi », à condition toutefois que les modifications n'entraînent pas une hausse des impôts ou de la dette.