Pour redonner tout son poids au parlement L'opposition a renvoyé la balle dans le camp d'Emmanuel Macron jeudi, refusant l'idée d'un gouvernement de coalition et l'enjoignant à proposer des mesures concrètes pour les Français, tout en souhaitant redonner au Parlement tout son rôle dans l'examen de textes « au cas par cas ». « C'est lui qui est au pied du mur, pas nous (…) S'il reste sur son projet, il n'a pas de majorité absolue, et c'est lui qui est coincé, c'est lui qui va bloquer la France », a résumé la députée Nupes-PS Valérie Rabault. Avant de s'envoler jeudi pour un sommet européen à Bruxelles, le chef de l'Etat a écarté mercredi soir devant 15,5 millions de téléspectateurs l'hypothèse d'un gouvernement d'union nationale, testée mardi et mercredi auprès de certains dirigeants de partis, et a demandé à la gauche unie Nupes, au Rassemblement national et aux Républicains, qui l'ont privé de majorité absolue dimanche, de « dire en toute transparence jusqu'où ils sont prêts à aller » pour « bâtir des compromis »: « Entrer dans une coalition de gouvernement et d'action (ou) s'engager à voter simplement certains textes, notre budget ». Alors qu'il avait réclamé une réponse à courte échéance, à son retour de Bruxelles, soit deux jours après son départ, la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire a assuré jeudi qu'il n'avait « pas fixé un ultimatum de 48 heures ». Mais les réponses n'ont pas tardé. « C'est à lui de voir jusqu'où il peut aller pour les Français », a répondu le député Nupes-LFI François Ruffin, reprenant les mots du président. La Nupes veut « des choses très concrètes », par exemple voir dans le projet de M. Macron le Smic à 1.500 euros, a insisté Mme Rabault, tandis que le député Nupes-EELV Julien Bayou promet des propositions sur l'écologie de la part de la gauche unie. Le sénateur PS Rachid Temal souhaite que l'exécutif « viennent avec des textes devant le Parlement », charge ensuite aux députés et sénateurs de « trouver des compromis ». A droite, LR « refuse » tout contrat de coalition qui effacerait les « convictions » politiques de chacun. « Donc ce sera pour nous le cas par cas » sur le vote de textes au Parlement, a également répété le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau. Les Républicains comptent eux-mêmes faire des propositions de mesures la semaine prochaine, avait rappelé mercredi le nouveau chef de file des députés LR, Olivier Marleix, qui refuse de faire un « chèque en blanc, de surcroît sur un projet peu clair », au chef de l'Etat. A M. Macron de « faire le premier pas », de « dire (…) sur quels axes de son programme est-il prêt à reculer ou à renoncer pour faire un chemin vers les partis d'opposition », a abondé le président par intérim du RN Jordan Bardella. Marine Le Pen, qui s'apprête à prendre jeudi la direction d'un groupe RN fort de 89 députés, avait promis mercredi que ceux-ci allaient « examiner les textes à la lumière de l'intérêt des Français et de la France ». Mais dans les rangs macronistes, on ne désespère pas de pouvoir parvenir à un élargissement de la majorité. Gilles Boyer, membre fondateur d'Horizons avec Edouard Philippe, qui avait appelé mardi à construire une « grande coalition », a confirmé sur BFMTV que le parti continue d'essayer d'en constituer une avec certains LR, PS ou EELV. « Une coalition, c'est quoi: c'est identifier les grandes réformes sur lesquelles nous pourrions trouver des points d'accord. Et ensuite bâtir un accord de gouvernement », a-t-il expliqué, prédisant « plusieurs jours, semaines voire quelques mois de discussions » pour y parvenir. Mais attention, avait mis en garde mercredi soir sur LCI François Bayrou (Modem), autre allié macroniste: « L'idée qu'il suffit de recréer une majorité qui n'a pas été donnée par les électeurs » pour « continuer le business as usual » n'est pas possible, au risque d'aller vers « de nouveaux accidents » électoraux. Macron a certes reconnu la nécessité « d'apprendre à gouverner et légiférer différemment », usant de nombreuses fois du mot « compromis », mais il a aussi averti de sa détermination à « ne jamais perdre la cohérence du projet » que les électeurs ont soutenu en le réélisant en avril. Le « dialogue » avec l'opposition est « enclenché » pour « plusieurs jours, peut-être même plusieurs semaines », assure Mme Grégoire, précisant que le chef de l'Etat « reverra possiblement les présidents des forces politiques et échangera avec eux en étant à l'écoute ». Cela se fera dans un agenda international chargé. Après Bruxelles et un rapide retour à Paris, Emmanuel Macron s'envolera dimanche pour un G7 en Allemagne, puis le 28 juin pour deux jours à Madrid pour un sommet de l'Otan. Par ailleurs, les groupes à l'Assemblée nationale achèvent jeudi de nommer leurs présidents. Boris Vallaud a été élu à la tête du groupe PS, après le choix mercredi d'Aurore Bergé par Renaissance, de Laurent Marcangeli par Horizons, de Mathilde Panot par LFI, ou encore d'André Chassaigne par les communistes.