Nabil EL BOUSAADI Si la guerre qui oppose la Russie à l'Ukraine suscite moult interrogations à travers le monde, comment est-elle perçue par les populations africaines et quelles réactions suscite-t-elle chez les dirigeants du continent noir ? Après avoir, dès le début de la semaine dernière, condamné la décision de la Russie d'envoyer des troupes au Donbass et de reconnaître l'indépendance des républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, l'ambassadeur du Kénya auprès des Nations-Unies, Martin Kimani, a dénoncé la « violation (de) l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Ukraine » et déploré le fait que « la charte des Nations-Unies continue de flétrir sous les assauts incessants des puissants ». Le diplomate kényan a même ajouté que bien qu'il comprenne «que les personnes séparées puissent regarder avec nostalgie au-delà des frontières dans l'espoir d'une réintégration » car cette situation fait écho à l'histoire du Kenya en particulier et de l'Afrique en général dès lors que « presque tous les pays africains sont nés de la fin d'un empire » et que leurs frontières ont été « dessinées dans les anciennes métropoles coloniales sans aucun égard pour les anciennes nations qu'elles ont séparées », le Kenya ne saurait admettre « qu'une telle aspiration soit poursuivie par la force ». Même son de cloche du côté de la capitale sud-africaine d'où, en étant convaincu qu'une médiation entre Moscou et Kiev pourrait faire taire les armes et mettre un terme à ce conflit, le président sud-africain Cyril Ramaphosa qui, après avoir fait part, ce vendredi, lors de la tenue du Forum National Intergouvernemental sur les Litiges (Intergovernmental National Litigation Forum) de son souhait « d'entamer une discussion avec la Russie et les Etats-Unis », a demandé au Conseil de Sécurité de l'ONU d'organiser une médiation entre les deux parties car « s'il y a un moment où ce dernier doit s'affirmer, c'est bien lorsqu'il s'agit de résoudre les conflits et de mettre fin aux guerres ». Dans une déclaration publiée jeudi sur le site web et le compte Twitter officiel de l'Union Africaine, en exprimant« leur extrême préoccupation face à la très grave et dangereuse situation créée en Ukraine », le président sénégalais Macky Sall, président en exercice de l'Union Africaine, et le président de la Commission de l'Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, ont appelé « la Fédération de Russie et tout autre acteur régional ou international, au respect impératif du droit international, de l'intégrité territoriale et de la souveraineté nationale de l'Ukraine ». Ils ont, par ailleurs, exhorté « les deux parties à l'instauration immédiate d'un cessez-le-feu et à l'ouverture, sans délai, de négociations politiques sous l'égide des Nations-Unies afin de préserver le monde des conséquences, d'un conflit planétaire, pour la paix et la stabilité dans les relations internationales au service de tous les peuples du monde ». Mais même en se déroulant à des milliers de kilomètres du continent africain, la guerre qui oppose la Russie à l'Ukraine aura, indéniablement, de très fortes répercussions sur le porte-monnaie des kényans comme l'a déclaré, mardi, en première page, le « Business Daily » car « les perturbations résultant d'une action militaire ou de sanctions pourraient également entraîner une hausse des prix du pain et de la farine de blé » du moment que le Kenya importe son blé d'Ukraine et de Russie. Un article publié par le site d'information sud-africain « Daily Maverick » abonde dans le même sens en affirmant que même en se déroulant en Europe de l'Est, la guerre entre la Russie et l'Ukraine « aura bientôt des répercussions et sera ressentie dans chaque village et ville d'Afrique du Sud et du monde ». Enfin, si le Mali, dont l'alliance croissante avec la Russie, avait aggravé les tensions diplomatiques avec ses partenaires occidentaux n'a pas encore donné son point de vue sur la guerre qui se déroule en Ukraine, le Gabon et le Ghana, qui sont membres non-permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU, ont, de leur côté, fermement condamné l'action militaire entreprise par la Russie contre l'Ukraine. Pour terminer, disons qu'en prenant conscience du fait que nonobstant ses plus de 7 milliards d'habitants, la Terre n'est rien de plus qu'un grand village où tout ce qui touche les uns touche immanquablement les autres, la communauté internationale n'est plus en droit de tolérer que la guerre éclate en n'importe quelle partie du monde et se doit, en conséquence, de tout faire pour préserver la paix. Parviendra-t-elle à faire cesser, dans des délais raisonnables, les bombardements dont la population civile ukrainienne est en train de payer un très lourd tribut ? Attendons pour voir...