Un apaisement en suspens en Ukraine Joe Biden veut donner « toutes ses chances à la diplomatie » avec la Russie après des annonces apaisantes de Moscou, mais pas question pour le président américain de relâcher la pression face au risque d'attaque russe contre l'Ukraine, toujours « tout à fait possible ». Dans une allocution brève à la Maison Blanche, il a alterné signes d'ouvertures et messages de fermeté, sur fond d'activité diplomatique toujours frénétique autour de la Russie. Moscou a annoncé un début de retrait des dizaines de milliers de soldats russes massés depuis plusieurs mois aux frontières ukrainiennes. Ce « serait positif », a jugé Joe Biden, « mais nous n'avons pas vérifié à ce stade » sa mise en oeuvre. Au contraire, ces troupes, évaluées désormais à « plus de 150.000 » alors que les Américains parlaient jusqu'ici de plus de 100.000, demeurent dans « une position menaçante » autour de l'Ukraine, côté russe ou au Bélarus voisin, a-t-il déploré. Dès lors, « une invasion demeure tout à fait possible », a mis en garde le président américain. Le ministère russe de la Défense a diffusé des images de blindés chargés sur un train, censées illustrer le retour en garnison d'une partie des troupes massées aux frontières ukrainiennes. Le président russe Vladimir Poutine a confirmé ce « retrait partiel ». La Russie poursuit cependant notamment d'importantes manoeuvres au Bélarus, voisin prorusse de l'Ukraine, jusqu'au 20 février. A l'instar de Joe Biden, les Occidentaux ont pris ces annonces avec prudence. Le plus positif a été le chancelier allemand Olaf Scholz, reçu au Kremlin par Vladimir Poutine. Il a salué « un bon signe », et estimé qu'il y avait « suffisamment de bases de discussion » avec la Russie « pour que les choses évoluent positivement ». Le président russe a pour sa part assuré que « bien sûr » il ne voulait pas d'une guerre, tout en martelant que l'expansion de l'Otan constituait une menace pour la Russie — Moscou réclame la garantie que Kiev ne pourra jamais y adhérer. « Il y a un fait: l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan n'est pas à l'ordre du jour », a répondu Olaf Scholz. « Tout le monde doit prendre un peu de recul et se rendre compte que nous ne pouvons pas avoir un éventuel conflit militaire sur une question qui n'est pas à l'ordre du jour », a-t-il ajouté. Le chancelier allemand aborde là frontalement un sujet extrêmement sensible. Joe Biden, qui est le premier à tempérer les espoirs de Kiev de rejoindre l'alliance militaire, refuse néanmoins de mettre fin publiquement à la posture de la « porte ouverte » qui, au moins en théorie, permettrait à l'Otan d'accueillir de nouveaux membres. De manière générale, Washington maintient face à Moscou une posture de fermeté, encore rappelée par Joe Biden mardi. Il a redit qu'une invasion russe de l'Ukraine pouvait intervenir « à tout moment », et prévenu que les sanctions pour y répondre étaient « prêtes ». Ces mesures « puissantes » mettront notamment « la pression sur leurs institutions financières les plus grandes et importantes et sur des industries-clés », a ajouté le président américain, réaffirmant aussi que le gazoduc controversé Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne n'entrerait jamais en activité en cas d'attaque russe. Il s'est également dit « prêt à répondre » à toute « attaque asymétrique » contre les Etats-Unis ou leurs alliés de l'Otan, ce qui peut notamment inclure des cyberattaques. Le démocrate de 79 ans a aussi, une nouvelle fois, vanté « l'unité » du camp occidental, qui selon lui a été renforcée par cette crise. Les Américains n'ont d'ailleurs de cesse de consulter leurs alliés dans toutes les configurations possibles. Mardi, Joe Biden a par exemple fait le point avec son homologue français Emmanuel Macron, tandis que les chefs de la diplomatie américain, français, allemande et britannique s'entretenaient également de leur côté. Le conseiller à la sécurité nationale américain Jake Sullivan a rencontré de son côté Jakub Kumoch, conseiller du président polonais, pour évoquer l'Ukraine et la « coordination transatlantique » sur la « défense et la dissuasion », selon la Maison Blanche. Joe Biden a continué de tendre la main à son homologue russe, assurant qu'il existait des moyens de répondre aux « préoccupations de sécurité » de chaque camp. Moscou, qui dément toute volonté d'invasion de l'Ukraine, déplore le rejet par les Occidentaux de ses principales exigences, à savoir la fin de la politique d'élargissement de l'Alliance, l'engagement à ne pas déployer d'armes offensives à proximité du territoire russe et le retrait d'infrastructures de l'Otan d'Europe de l'Est. Les Occidentaux ont proposé en échange des pourparlers sur des sujets comme le contrôle des armements. L'Ukraine a annoncé mardi que des sites internet du ministère de la Défense et ceux de deux banques publiques avaient été visés par une cyberattaque, les autorités ukrainiennes pointant du doigt « l'agresseur », une expression généralement employée pour désigner la Russie. Une attaque informatique d'ampleur est un des scénarios évoqués comme pouvant être le signe avant-coureur d'une offensive militaire classique. Parallèlement, le Parlement russe a demandé au président Poutine de reconnaître l'indépendance des territoires sécessionnistes dans l'est de l'Ukraine, appel aussitôt condamné par l'Union européenne.