Un séminaire régional sur la rationalisation de la détention préventive a ouvert ses travaux, mercredi à Casablanca, à l'initiative de la présidence du ministère public et de l'Union européenne (UE). Ce séminaire de deux jours entre dans le cadre des sessions de formation visant la mise en œuvre des orientations de la politique pénale supervisée par le parquet général dans le domaine du renforcement des droits et des libertés des personnes, ainsi que l'amélioration du rendement des magistrats du parquet dans le domaine de rationalisation de la détention préventive et l'application des alternatives à ce genre de détention. Ces sessions de formation qui auront lieu, outre à Casablanca, dans les villes de Marrakech, Agadir, Fès et Tanger sont encadrées par des experts nationaux et internationaux. Elles profitent à 450 magistrats composés de présidents d'instances judiciaires et de chambres, de juges d'instruction et de procureurs au niveau de différents tribunaux du Royaume. Ces sessions de formation visent à présenter les normes adoptées au niveau international en matière de détention préventive, les nouvelles approches pour le contrôle et le suivi des procédures de détention préventive et à échanger les expériences et expertises en la matière. A cette occasion, le Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, président du ministère public, El Hassan Daki a souligné, dans une allocution lue en son nom par Ahmed Ouali Alami, président du pôle de suivi de l'action publique et de l'exécution de la politique pénale, que ce séminaire constitue une rencontre scientifique et un forum de réflexion sur les moyens et mécanismes d'améliorer la gestion de la détention préventive vu que cette mesure ne constitue pas une décision ordinaire qui peut être traitée du point de vue procédural mais il s'agit d'un critère qui reflète le niveau de gouvernance dans le domaine de la justice pénale notamment la sécurité du citoyen et les conditions d'un procès équitable, rappelant que les règles d'efficience et de bon rendement requièrent un suivi périodique des différentes décisions prises à leur tête celles se rapportant à la détention. Et de souligner qu'en dépit de l'importance de la question de la détention préventive érigée au rang de priorité de la politique pénale, le rendement des acteurs de la justice soulève toujours des critiques d'autant que fin septembre 2021 le taux de la détention préventive s'est élevé à 45pc du total des détenus, notant que si les efforts du ministère public ont donné leurs fruits avec une baisse à 37 pc fin mars 2019, la pandémie de coronavirus a impacté l'action de la justice de manière générale notamment la gestion des séances d'audition se rapportant à la détention provisoire, ce qui s'est reflété sur les résultats annuels. Cette donne, a ajouté le président du ministère public, nécessite de tous, magistrats, juges d'instruction et procureurs, de redoubler d'efforts pour rationaliser le recours à la détention lors du déclenchement des poursuites et garantir plus d'efficience lors des procès. Selon lui, 2000 personnes en détention provisoire sont acquittés ou voient leurs affaires classées ce qui soulève la question d'utilité de cette mesure, notant que même si les développements et rebondissements que connaissent les affaires au cours du procès sont à l'origine de la majorité des sentences et décisions, « notre responsabilité demeure notamment lorsqu'il s'agit d'une simple application de procédures ou d'accusations sans preuves suffisantes ». Il a, à cette occasion, appelé les participants à saisir cette rencontre pour débattre de manière sereine et approfondie l'ensemble des problématiques liées à la détention préventive, passer en revue minutieusement les conditions et les normes à respecter avant de prendre toute décision de détention préventive et examiner les raisons à prendre en considération dans la gestion de la détention préventive qui doivent être prises en compte lors de l'évaluation du rendement des juges du ministère public. Pour sa part, Jean-Christophe Filori, ministre conseiller, chef de la Coopération au sein de la Délégation de l'Union européenne au Maroc, a relevé que ces deux jours seront l'occasion pour le Maroc et l'Union européenne d'échanger sur les bonnes pratiques et d'approfondir le débat sur la détention préventive, précisant que ce séminaire s'inscrit dans le cadre de l'appui de l'UE au grand chantier de réforme de la justice au Maroc. La thématique de ce séminaire est d'actualité pour l'Union européenne puisque début octobre la réunion du conseil de l'UE qui a regroupé les ministres de la justice a consacré le premier point de son ordre du jour à la détention provisoire. C'est dire qu'au sein de l'UE également la problématique est hélas bien présente, a-t-il dit, indiquant que les discussions ont porté sur la nécessité d'améliorer les conditions de détention et accroître le recours à des mesures alternatives quand c'est possible. Selon les statistiques, 11 Etats membres ont un problème de surpopulation carcérale qui dépasse les 100 pc d'occupation, a-t-il poursuivi, ajoutant que lors cette même réunion des ministres de la justice , les Etats membres s'étaient mis d'accord sur la nécessité de recourir aux peines alternatives pour que la détention soit le dernier recours. Au Maroc, la détention provisoire est une occupation majeure des autorités politiques et judiciaires, a estimé M.Filori, notant que c'est pour cette raison qu'elles sont décidés à rationaliser la détention préventive et ont rappelé à plusieurs reprises que celle-ci doit rester exceptionnelle et de ne pas devenir la règle. Pour alimenter la réflexion, ce séminaire a pour but de vous présenter les bonnes pratiques des normes et outils juridiques et procédurales de l'UE sur ce thème ainsi que les meilleurs pratiques au Maroc, a expliqué le responsable européen, soulignant que des mesures alternatives à la détention provisoire bien encadrées tels que le bracelet électronique, le pointage, la fermeture des frontières, les travaux d'intérêt général sont réputées être particulièrement adaptées à certains groupes de détenus pour lesquels la détention est considérée comme particulièrement nocive (enfants, personnes souffrant d'une maladie mentale et les femmes). « Ces mesures sont donc un outil visant à faciliter la réinsertion sociale et réduire la récidive », a-t-il dit. Le cadre général de la gestion de la détention préventive, les normes de détentions préventive, les alternatives à la détention préventive, la détention préventive et la protection de droits seront au centre des débats de ce séminaire et seront animés par des experts nationaux et internationaux.