Très critiqué, le recours excessif à la détention préventive suscite les plus vives contestations de la société civile. Une pratique qui sera limitée par l'introduction des peines alternatives, dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. Une réforme pourtant toujours bloquée au Parlement. Très ancré dans le système judiciaire marocain, le réflexe de détention préventive a atteint des proportions si grandes qu'il suscite moult interrogations. A présent, on parle de « problématique de détention préventive », surtout lorsqu'on se rend compte du degré d'encombrement des établissements carcéraux du pays par des personnes détenues à titre préventif, soit dans le cadre d'investigation, soit dans un procès. Ce recours jugé excessif des juges à ce type de détention est parvenu au Parlement. Interrogé à ce sujet par les députés, le ministre de la Justice et des Libertés, Mohammed Benabdelkader, a fait état d'une hausse « inquiétante » de ce phénomène pour des raisons « judicaires, économiques et sociales », selon son expression. En témoignent des chiffres enregistrés en 2021 : 44,5% de la population carcérale est détenue préventivement. Quelques députés de la majorité, comme de l'opposition, sont allés jusqu'à considérer que la détention préventive est devenue la règle, alors qu'elle n'est supposée être qu'une mesure exceptionnelle aux mains des juges d'instruction, en cas de risque d'évasion des suspects. Pour sa part, Mohammed Benabdelkader a rappelé que la décision de détention préventive, comme toute décision relevant de l'exécution de la politique pénale, est du ressort des procureurs du Roi, secondés par les juges d'instruction. Selon le ministre, cela vaut uniquement pour la prise de décision de détention, mais ce sont les tribunaux (les juges) qui peuvent décider de la durée de la détention selon la nature du procès et de la procédure judicaire. Ceci dit, c'est aux juges qu'il incombe de décider de poursuivre les gens en état de liberté ou en état d'arrestation. La réforme indispensable du code pénal Le ministère de la Justice ne peut changer les choses qu'au niveau de la loi et notamment le code pénal. Toutefois, le texte de la réforme de procédure pénale qui entend limiter le recours à la détention préventive est toujours bloqué au Parlement, bien qu'il soit déposé depuis 2016. Mohammed Benabdelkader a indiqué que le texte de loi est en phase finale de concertation avec les différents acteurs concernés. Le salut passe par l'introduction, que prévoit la réforme et qui peine à passer à la Commission de la Justice à cause du retard du dépôt d'amendements, des peines alternatives à l'emprisonnement. Les juges auront un pouvoir discrétionnaire les habilitant à appliquer des sanctions non privatives de liberté pour les peines inférieures à deux ans. Il s'agit de la surveillance par bracelet électronique, des travaux d'intérêt général, des amendes, de l'assignation à résidence, etc. Il en sera de même pour les poursuites judiciaires et les procédures d'instruction qui seront conduites plus souvent en état de liberté surveillée. Ceci dit, les juges d'instruction n'auront recours à la détention préventive qu'en cas d'extrême nécessité.