Nabil El Bousaadi A l'issue de la rencontre, qu'elle a eu ce mercredi, à Khartoum, avec Karim Khan, le nouveau procureur de la Cour Pénale Internationale, Mariam Al Mahdi, la cheffe de la diplomatie soudanaise, a annoncé que le «Conseil des ministres a décidé de remettre, à la Cour Pénale Internationale, toutes les personnes recherchées» pour « génocide» et «crimes contre l'humanité» lors du conflit du Darfour et actuellement entre les mains de la justice soudanaise. Il s'agit notamment du président déchu, Omar el-Béchir, 77 ans, d'Ahmed Haroun, un ancien gouverneur de l'Etat du Kordofan-Sud et de l'ancien ministre soudanais de la Défense Abdel Rahim Mohamed Hussein. Fille de l'ancien Premier ministre Sadek al-Mahdi, renversé en 1989, par le coup d'Etat mené par Omar el-Béchir, la cheffe de la diplomatie soudanaise a souligné «l'importance» de la coopération avec la CPI «pour obtenir justice pour les victimes de la guerre du Darfour». Et, après avoir rencontré le nouveau procureur de la CPI, le Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, a tenu, de son côté, à préciser, dans un communiqué, que «l'engagement du Soudan à chercher justice [...] vient comme une réponse aux requêtes du peuple et réalise les revendications de la révolution ». Cette initiative a été vivement saluée par Ned Price, le porte-parole de la diplomatie américaine qui y a vu «une avancée majeure pour le Soudan dans la lutte contre des décennies d'impunité» dans la mesure où la CPI avait déjà émis, dix années auparavant, des mandats d'arrêt pour «crime contre l'humanité» et «génocide au Darfour» contre l'ancien homme fort de Khartoum et certains de ses compagnons de route. Pour rappel, le tristement célèbre «conflit du Darfour», région de l'ouest du Soudan, qui avait opposé, à partir de 2003, le régime à majorité arabe de Omar el-Béchir à des rebelles issus de minorités ethniques avait fait quelques 300.000 morts et poussé à l'exode près de 2,5 millions de personnes. Aussi, après le renversement, en Avril 2019 d'Omar el-Béchir, sous l'impulsion d'une révolte populaire inédite déclenchée par le triplement du prix du pain, le Conseil de transition militaro-civil mis en place après la chute de l'ancien dictateur avait pris l'engagement de favoriser la comparution devant la CPI de celui qui avait, à plusieurs reprises, défié cette dernière en voyageant à l'étranger sans être arrêté. Ainsi, pour toutes ces raisons mais aussi pour l'absence de toute coopération de la part des pays dans lesquels il se rendait impunément, Fatou Bensouda, l'ancienne procureure de la CPI s'était trouvée contrainte de suspendre la procédure émise contre l'ancien homme fort de Khartoum. Mais si, pour pouvoir entrer en application, la décision de remettre Omar el-Béchir à la CPI requiert encore l'approbation du «Conseil souverain», la plus haute instance dirigeante au Soudan formée de personnalités civiles et militaires, l'ancien autocrate qui a tenu le Soudan d'une main de fer pendant 30 ans, va-t-il, enfin, répondre de ses actes devant la Cour Pénale Internationale ? Attendons pour voir...