Après le renversement, en Avril 2019, du général Omar Al-Bachir qui, en prenant le pouvoir à la faveur d'un coup d'état avait régné d'une main de fer sur le Soudan pendant trente années, les nouveaux dirigeants du «Conseil souverain soudanais» avaient exclu de remettre le président déchu à la Cour Pénale Internationale même si cette dernière l'accuse de génocide et de crimes de guerre perpétrés durant le conflit du Darfour qui avait éclaté en 2003 lorsque des rebelles, issus de minorités ethniques s'estimant marginalisées, s'étaient élevés, les armes à la main, contre le régime de Khartoum. Les chiffres donnés par les Nations-Unies font état du déplacement de quelque 2,5 millions de soudanais et de la mort de près de 300.000 personnes. Mais, coup de théâtre, ce mardi 11 février lorsqu'un communiqué émanant du Conseil souverain soudanais et lu par Monsieur Mohamed Taayichi, membre de cette instance, a fait part de l'entière disposition du nouveau pouvoir de Khartoum de remettre le président déchu à la Cour Pénale Internationale. Incarcéré à Khartoum depuis sa destitution et poursuivi, depuis 2009, par la CPI dont le siège est à La Haye, le président déchu lui sera remis en même temps que trois autres anciens responsables soudanais ; à savoir, Ahmed Harouyn, Abderrahim Mohammed Hussein et Ali Kosheib, tous poursuivis pour les mêmes accusations. Cette déclaration – inattendue mais que la communauté internationale n'avait jamais cessé de réclamer – a fait suite à la rencontre qui a eu lieu à Juba, la capitale du Soudan du Sud, entre une délégation gouvernementale et des représentants des groupes rebelles au Darfour. Au cours de cette rencontre, les deux parties ont convenu de la mise en place de plusieurs mécanismes pour pacifier la région dont une Cour spéciale qui sera chargée d'enquêter sur les crimes commis au Darfour car, pour M. Taayichi, le représentant du pouvoir soudanais, aucune justice ne pourra être rendue aux victimes si leur souffrance n'est pas prise en compte. Ainsi, la remise, à la Cour Pénale Internationale, du président déchu semble bien être, en elle-même, un élément de cette pacification dès lors que Mohammed Hassan Al-Taishi, membre du Conseil souverain soudanais, reconnaîtra à l'issue de cette rencontre, qu'il serait impossible de «panser les plaies » sans la comparution « de ceux faisant l'objet de mandats d'arrêt de la part de la Cour Pénale Internationale». «Nous avons très bien avancé, surtout sur la question de la justice et de la réconciliation (…) nous avons convenu, avec le gouvernement de transition à Khartoum, de mettre en place un gouvernement qui respectera la justice et (sanctionnera) tous ceux qui ont commis des crimes contre l'humanité» dira, de son côté, Nimir Mohamed Abdurahman au nom des groupes rebelles du Darfour. Enfin, pour Ahmed Hassen Mohamed, le porte-parole du Conseil souverain soudanais, en remettant Omar El Béchir à la Cour Pénale Internationale, le gouvernement de Khartoum prouve sa ferme volonté «de mettre fin à la crise au Darfour et dans d'autres régions» et rappelle qu'aucun accord de paix global ne pourrait voir le jour sans une totale collaboration «avec la justice de transition». Pour rappel, après un jugement rendu en décembre 2019 par la justice soudanaise, Omar Al-Bachir avait écopé de deux années d'emprisonnement pour corruption et pour sa responsabilité avérée dans la mort de plusieurs manifestants lors des marches ayant conduit à la chute de son régime. Enfin, la remise, à la Cour Pénale Internationale, de l'ancien président Omar Al-Bachir qui est une exigence du mouvement de contestation l'ayant chassé du pouvoir, des habitants du Darfour et des groupes rebelles issus de cette région va-t-elle ramener la paix au Soudan ? Rien, pour l'heure, ne permet d'en douter même si la date de ce «transfert» n'a pas encore été arrêtée mais attendons pour voir…