Nabil EL BOUSAADI L'avion de ligne de la compagnie Ryanair qui, ce dimanche, effectuait un vol entre la Grèce et la Lituanie – deux pays membres de l'OTAN – a été intercepté par un chasseur biélorusse au moment où il survolait l'espace aérien de la Biélorussie et contraint d'atterrir à Minsk. Raison de cet atterrissage forcé : il avait, à son bord, Roman Protassevitch, 26 ans, ancien rédacteur-en-chef du média d'opposition biélorusse « Nexta » qui, sur ordre du président Alexandre Loukachenko a été arrêté dès que l'avion détourné a pu fouler le tarmac de l'aéroport de la capitale biélorusse. Vidé de son jeune passager et opposant biélorusse, l'avion a pu reprendre son vol à destination de la Lituanie où il est arrivé avec plusieurs heures de retard sur l'horaire prévu. L'Union Européenne ayant immédiatement dénoncé « une manœuvre inacceptable », cette affaire a soulevé un tollé international et le Conseil de l'Europe, qui représente les Etats-membres, a appelé l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) à enquêter sur cet « incident sans précédent et inacceptable » qui constitue « une violation de la Convention de Chicago » protégeant la souveraineté de l'espace aérien des nations. Réunis à Bruxelles, lundi et mardi, à l'effet d'aborder diverses questions internationales parmi lesquelles la question du réchauffement climatique, les chefs d'Etat et de gouvernement des 27 pays de l'U.E. ont ajouté, à l'ordre du jour initial de leur réunion, l'examen de cette affaire de détournement afin de pouvoir « sanctionner » la Biélorussie alors même que celle-ci était déjà dans le viseur de l'instance européenne qui avait interdit à 88 citoyens de Biélorussie dont le chef de l'Etat et à sept entités biélorusses de « voyager » dans l'Union Européenne » après que le régime de Loukachenko ait violemment réprimé le mouvement de contestation de la présidentielle « truquée » du 9 Août 2020. Ainsi, à l'issue de la réunion de ce lundi, le Conseil européen a « condamné avec force l'atterrissage forcé du Boeing de Ryanair à Minsk (...) qui a porté atteinte à la sécurité aérienne » et la Commission européenne qui, par la voix de sa présidente Ursula von der Leyen, avait promis « une réponse forte » à cet acte de « piraterie » et de « terrorisme d'Etat », a fermé l'espace aérien européen aux avions biélorusses, demandé à ses compagnies aériennes d'éviter l'espace aérien biélorusse alors que, selon l'organisation Eurocontrol, près de 2.000 vols commerciaux le traversent chaque semaine et que la compagnie Belavia assure, quotidiennement, une vingtaine de vols au départ ou à destination d'aéroports de l'U.E. et exigé, enfin, la libération immédiate de l'opposant biélorusse Roman Protassevitch et de sa compagne Sofia Sapéga. Mais bien que, dans ce nouveau bras de fer qui oppose Minsk aux capitales européennes, la Biélorussie ait déclaré avoir agi dans la légalité puisqu'elle s'était trouvée contrainte d'intercepter le vol de la Ryanair à la suite d'une « alerte à la bombe », les Vingt-sept ont demandé « l'adoption d'autres sanctions économiques ciblées » et invité le Chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borell, et la Commission européenne « à soumettre sans délai des propositions à cette fin ». Et si, après ce sommet de Bruxelles, les ministres des affaires étrangères européens vont être chargés de formaliser toutes ces décisions, il y a lieu de signaler que celles-ci ont l'appui du président américain Joe Biden qui condamne « de la façon la plus ferme le déroutement de l'avion », juge l'arrestation de l'opposant biélorusse comme étant un « évènement scandaleux » et une « attaque honteuse contre l'opposition politique et la liberté de la presse » et réclame, en conséquence, la libération du jeune dissident biélorusse. Le vieux président Alexandre Loukachenko qui bénéficie du soutien ferme et sans équivoque du Kremlin, va-t-il se plier aux injonctions de l'Union européenne et des Etats-Unis et libérer Roman Protassevitch ? Pas sûr du tout mais attendons pour voir...