Un sixième mandat présidentiel pour Alexandre Loukachenko alors même qu'il est à la tête de la Biélorussie depuis 1994 ? Ses compatriotes n'en veulent pas. Aussi, c'est pour dénoncer sa réélection et rendre hommage à un manifestant tombé la veille, que plusieurs milliers de personnes se sont dirigées, samedi après-midi, vers la station de métro de l'ouest de la capitale où ce dernier avait perdu la vie afin de lui rendre un vibrant hommage. Dans la soirée, quelques 3.000 d'entre eux se sont rassemblés devant le siège de la télévision publique à Minsk pour réclamer la «vérité» sur la répression des opposants et déposer, près d'un mémorial improvisé pour l'occasion, des gerbes de fleurs décorées de rubans bleus et blancs, aux couleurs de l'opposition. Après avoir évoqué, lors d'un entretien téléphonique de la veille avec son homologue russe, la situation interne et externe de la Biélorussie et les menaces auxquelles cette dernière risque de faire face, Alexandre Loukachenko a fait part, à l'agence publique Belta, de l'entière disposition de Moscou à fournir à son pays l'assistance nécessaire à sa sécurité. Mais, dans son communiqué faisant suite à cet entretien, le Kremlin s'est contenté, de son côté, d'affirmer que «les deux parties ont exprimé leur confiance dans une résolution rapide de la crise» et que «ces problèmes» ne devraient pas profiter «à des forces destructrices cherchant à porter atteinte à la collaboration mutuellement avantageuse». Chroniqueur libéral, Leonid Gosman déclare, à ce propos, dans un post facebook repris par le site newsru.com, que «sur le plan personnel, Poutine ne supporte pas Loukachenko et (qu')il verrait bien quelqu'un d'autre à sa place. Mais il ne peut pas tolérer que le peuple renverse Loukachenko. La Russie et le Bélarus sont trop proches au niveau culturel et sur le plan des mentalités – la chute du dictateur biélorusse suite à des élections profiterait au mouvement démocratique en Russie, où le régime autoritaire emploie ses dernières forces pour se maintenir au pouvoir. Si Loukachenko avait du mal à se dépêtrer seul de cette situation, il y a de fortes chances que la Fédération russe vole à son secours». Or, bien que Poutine soit le seul chef d'Etat encore à même d'offrir au président de la Biélorussie le soutien politique nécessaire, sa position reste, pour l'heure, particulièrement ambigüe car si Moscou doit veiller à ce que l'ancienne république soviétique ne puisse pas rejoindre «le camp occidental», toute intervention militaire de sa part en Biélorussie la mettrait dans une situation particulièrement embarrassante car elle donnera l'occasion à l'Union Européenne et aux Etats-Unis d'appeler au renforcement des sanctions à son égard. Invitant la Russie à se départir de cette ambigüité et à prendre clairement position dans une situation qui est «en train d'échapper à tout contrôle», Radio Kommersant FM exhorte Moscou à s'associer aux pays occidentaux «pour tenter de trouver une position commune» qui en vaille la peine au lieu de s'acharner à dénoncer un hypothétique «complot international» comme si c'était «des commandos américains ou européens qui auraient tiré sur la foule avec des balles en caoutchouc». Et la radio d'attirer l'attention de la Russie sur l'éventualité de perdre la Biélorussie «car le vide du pouvoir sera comblé en un tour de main ». N'étant donc pas prête, à l'heure qu'il est, à voler, les yeux fermés, au secours d'un Loukachenko en grande difficulté, la Russie serait, sans aucun doute, à la recherche du fameux «plan B» qui lui permettrait d'aider l'ancienne république soviétique et d'y garder pied tout en lui épargnant une intervention dans le cadre du pacte militaire la liant à Minsk. Y parviendra-t-elle ? Attendons pour voir...