Rien ne va plus entre le président biélorusse, Alexandre Loukachenko et une très importante frange de la population biélorusse fermement opposée à l'accomplissement, par ce dernier, d'un sixième mandat à la tête du pays à l'issue des élections contestées du 9 Août dernier. C'est, à ce titre, que, selon les médias d'opposition, la neuvième manifestation qui s'est déroulée, à Minsk, ce dimanche aurait réuni plus de 100.000 personnes malgré l'important déploiement des forces de l'ordre armés de gourdins et de canons à eau pour disperser les protestataires. Cette importante mobilisation populaire qui avait conduit à la fermeture de plusieurs stations de métro de la capitale et du réseau de téléphonie mobile, a été fortement perturbée par les OMON, ces forces spéciales anti-émeute dépêchées à l'effet d'arrêter les protestataires et d'empêcher la formation d'un cortège principal. Les images de l'arrestation musclée d'une adolescente de 13 ans, dans la ville de Grodno située à une quinzaine de kilomètres de la frontière polonaise, ont suscité une profonde émotion sur les réseaux sociaux. Au vu de la très forte détermination affichée de part et d'autre, la situation semble «gelée» entre d'un côté, un mouvement de contestation résolu mais néanmoins pacifique en dépit des actes de torture et de violence dont il a été victime de la part du pouvoir, dès la proclamation des résultats contestées du scrutin du 9 Août dernier, et, de l'autre, Alexandre Loukachenko qui, après 26 années passées au sommet de l'Etat, n'entend toujours pas engager de discussions avec les membres de l'opposition – pour la plupart emprisonnés ou exilés – et se contente de promettre une vague réforme constitutionnelle dont personne ne connaît ni la teneur ni les contours. Mais il n'y a pas que ça car si le grand frère russe, qui n'est jamais très loin, pourrait être appelé à la rescousse à tout moment, cette situation ne convient nullement aux membres de l'opposition. Aussi, Anna Colin Lebedev, chercheuse en sciences politiques et spécialiste des espaces post-soviétiques, tient-elle à rappeler que «le rôle de la Russie est de plus en plus décrié dans les discours et dans les discussions des opposants au régime ». Dans ce même ordre d'idée et tout en signalant qu'«aujourd'hui, Poutine est le seul soutien politique dont jouit la présidence Loukachenko», Cyrille Bret, Spécialiste en affaires stratégiques et relations internationales considère, de son côté, que bien que ce soutien soit encore «ambigu» et reste «à confirmer», Moscou va faire tout ce qui est en son pouvoir pour que «la Biélorussie ne passe pas dans le camp occidental (et pour) ne pas se placer dans une situation trop difficile à l'égard de l'U.E. ou des Etats-Unis qui prendraient une intervention russe comme prétexte pour renforcer les sanctions» à son encontre. Or, même si depuis quelques semaines des slogans anti-Poutine ont fait leur apparition dans les manifestations, Svetlana Tsikhanovskaïa, la figure de l'opposition en exil en Lituanie ainsi que d'autres opposants au pouvoir du président Loukachenko veillent, cependant, à ne point apparaître anti-russes en précisant que la révolution, actuellement en cours en Biélorussie, est « démocratique et non pas géopolitique». Reconnaissant que «sans Poutine» dont l'ingérence est manifeste dans la mesure où il craint fort que ce mouvement de révolte des biélorusses ne fasse tâche d'huile et ne se répande jusqu'en Russie, «la révolution aurait abouti beaucoup plus vite » Nicolaï, un ingénieur d'une cinquantaine d'années rappellera que Poutine et Loukachenko restent, avant tout, «des enfants de Staline». Ce «lien familial» est-il suffisant, néanmoins, pour pousser le président russe à faire fi des risques de sanctions que son pays encourt s'il vole au secours de celui qui, après avoir présidé aux destinées de la Biélorussie pendant vingt-six années, refuse de céder le fauteuil présidentiel ? Attendons, pour voir...