Tout observateur averti ne pouvait que s'y attendre. A l'issue du scrutin qui s'est déroulé, ce dimanche, hors la présence des observateurs de l'OSCE et dans une atmosphère particulièrement tendue, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, qui n'est pas encore prêt à se dessaisir du pouvoir qu'il détient depuis plus d'un quart de siècle et qui, au moment de déposer son bulletin dans l'urne a promis qu'il n'y aurait «ni perte de contrôle» ni «chaos» dans le pays, aurait recueilli près de 80% des suffrages exprimés. Ce score n'ayant pas été du goût de l'opposition réunie autour de la jeune candidate Svetlana Tikhanovskaia, rivale inattendue du vieux président, des heurts ont immédiatement mis face à face, à Minsk et dans d'autres villes de province, manifestants et forces de l'ordre ayant déployé, dans la capitale, un important dispositif anti-émeutes. Après avoir dénoncé, à la veille de cette élection, les «fraudes éhontées» orchestrées par le gouvernement, la candidate de l'opposition – une jeune professeure d'anglais de 37 ans qui, lors de sa campagne électorale, était parvenue à mobiliser les foules – a estimé que la forte affluence en direction des bureaux de vote ce dimanche est déjà, en soi, la victoire d'une opposition qui serait parvenue à vaincre sa «peur» alors que pour la Commission électorale, toute acquise au pouvoir, celle-ci n'est qu'une «provocation» organisée par l'opposition. Pour rappel, peu de temps avant le lancement de la campagne électorale, les principaux rivaux du président Loukachenko avaient été écartés de la course à la présidentielle. Le premier, Victor Babariko, un banquier et ancien dirigeant de la filiale biélorusse de «Gazprombank» a été arrêté le 18 juin dernier au moment même où il s'apprêtait à déposer sa candidature sous les accusations – fallacieuses, à n'en point douter – de «blanchiment d'argent» et de «participation à un groupe délinquant» et, par voie de conséquence, des très forts soupçons de financement illégal de sa campagne qui pèseraient ainsi sur lui. Le second, Valery Tsepkalo, ancien ambassadeur de Biélorussie aux Etats-Unis, aurait fui en Russie après que sa candidature ait été rejetée au motif qu'il n'aurait pas réuni les 100.000 signatures requises pour sa validation ; ce que conteste le vice-président du Centre «Viasna» selon lequel il n'existerait aucune procédure transparente de décompte des signatures. A signaler, également, que pendant la semaine précédent le scrutin, le pouvoir avait redoublé d'efforts pour enrayer l'essor de la jeune candidate et qu'il en était même arrivé jusqu'à arrêter, la veille, Maria Moroz, la cheffe de son QG de campagne et neuf autres de ses collaborateurs. Au vu de tout cela et de la manière avec laquelle les forces de l'ordre ont dispersé les manifestations qui eurent lieu, dès la proclamation des résultats, aussi bien dans la capitale que dans d'autres villes de province, comme Brest, Pinsk, Gomel ou Grodno, l'ONG de défense des droits humains «Viasna» a dénoncé une utilisation «disproportionnée» de la force par la police qui aurait fait usage de grenades assourdissantes et les nombreuses arrestations opérées parmi les manifestants. Et si Alexandre, un jeune manifestant de 35 ans, considère que la «falsification totale» de ces élections est «un crime et une humiliation du peuple», nombreux sont les observateurs qui ont fait part de leurs craintes quant à une accentuation de la répression du moment qu'après plus d'un quart de siècle, le président Alexandre Loukachenko n'entend toujours pas céder la place. Aussi, si nul, à l'heure actuelle, ne peut se prononcer, avec certitude, sur le devenir de cette ancienne république de l'ex-URSS, attendons pour voir…