Dans un message publié, ce samedi 13 mars, sur son compte Twitter, le ministre bolivien de l'Intérieur, Carlos Eduardo del Castillo a informé la population de l'arrestation de Jeanine Anez, 53 ans, ancienne présidente par intérim de Bolivie, pour « sédition » et « terrorisme » alors que la veille, en dénonçant un « acte abusif et de persécution politique », cette dernière avait diffusé, sur ce même réseau social, la photo d'un mandat d'arrêt émis à son encontre par le Parquet bolivien accompagné d'annotations disant « la persécution politique a commencé », « on m'accuse d'avoir participé à un coup d'Etat qui n'a jamais eu lieu » ou encore « le MAS [parti d'Evo Morales] a décidé de revenir aux habitudes de la dictature ». Et si, sur des images retransmises par la télévision nationale bolivienne, l'ancienne dirigeante est apparue à son arrivée à l'aéroport d'El Alto à La Paz, non menottée, en présence du ministre de l'intérieur et entourée de plusieurs policiers, il y a lieu de signaler que, peu de temps auparavant, Rodrigo Guzman et Alvaro Coimbra, respectivement ministres de l'Energie et de la Justice furent également arrêtés à Trinidad, une ville du nord-est du pays. Pour comprendre les faits, il faut revenir au 10 novembre 2019. Ce jour-là, sur la pression de la rue qui s'était embrasée après l'annonce de résultats provisoires du scrutin présidentiel du 18 Octobre 2020 laissant entrevoir la victoire d'Evo Morales qui avait brigué un 4ème mandat en dépit du fait que ce principe avait été rejeté par référendum, l'ancien président de gauche et premier chef d'Etat indigène du pays (2006-2019), avait été lâché par son armée et contraint à la démission et à l'exil. Sautant sur l'occasion, Jeanine Anez, député conservatrice, deuxième vice-présidente du Sénat et avocate de formation, s'était alors proclamée présidente par intérim après avoir obtenu le soutien de ses pairs. Propulsée sur le devant de la scène politique bolivienne à la faveur de cette crise post-électorale, l'intéressée devint, ainsi, la deuxième femme après Lidia Gueiler (1978-1980) à diriger ce pays andin de près de 11,5 millions d'habitants. Il va de soi que cette situation n'était pas du goût des partisans d'Evo Morales qui, après avoir considéré son régime comme étant illégitime et fait fi du fait que la pandémie du nouveau coronavirus ait eu sa part de responsabilité dans le ralentissement de toutes les activités dans le pays, lui avaient reproché d'avoir abusé de son pouvoir et d'avoir délibérément tardé à organiser un nouveau scrutin alors même que c'était sa mission première. L'arrestation de l'ancienne présidente par intérim est intervenue à l'issue d'une enquête ouverte par le parquet suite à une plainte déposée en décembre par Lidia Patty, une ex-députée du « Mouvement vers le socialisme » (MAS) d'Evo Morales, et après que la gauche ait repris les rênes du pays au terme du scrutin du 23 Octobre dernier à l'issue duquel Luis Arces, le dauphin de l'ancien chef d'Etat, avait recueilli 55,10% des suffrages exprimés devenant, ainsi, le nouveau président de Bolivie. Ce dernier permettra, alors, à son mentor, de quitter son exil argentin et de rentrer au bercail le 9 novembre dernier. Mais de quoi donc demain sera-t-il fait en Bolivie quand après que le parquet ait requis six mois de prison préventive contre Jeanine Anez pour son implication dans une affaire de coup d'Etat présumé contre l'ancien président Evo Morale et que trois procureurs aient signé l'acte d'accusation pour l'application, à son encontre, « de mesures de précaution consistant en une détention préventive [...] pour une période de six mois » dans les prisons de La Paz, plusieurs organisations internationales ont réclamé un processus judiciaire transparent ? Nabil EL BOUSAADI