«J'ai pris la décision de me présenter comme candidate à l'élection» présidentielle qui se tiendra le 3 mai prochain, a déclaré, ce vendredi, la présidente par intérim de la Bolivie Jeanine Anez, 52 ans, sénatrice de droite qui avait pris ses fonctions le 12 novembre dernier, deux jours après la démission du Président Evo Morales sous la double-pression de son armée et de la rue après les troubles auxquels avaient donné lieu les résultats contestés de l'élection du 20 Octobre 2019. Assurant qu'elle n'avait «pas prévu de participer» à la course à l'investiture suprême mais que c'est «la dispersion des votes et des candidatures» qui l'auraient conduite à prendre une telle décision, Jeanine Anez entendrait donc – faute d'unité dans les rangs de l'opposition – rassembler autour de sa candidature tous les opposants au «Mouvement vers le Socialisme» (MAS), parti de l'ancien président Evo Morales, donné gagnant par un sondage publié début janvier par le quotidien «Pagina Siete» avant même la désignation de son candidat Luis Arce. D'après ce sondage, fait dès la fixation de la date du scrutin et avant même que Jeanine Anez ne révèle son intention d'y participer, le MAS de l'ancien président obtiendrait 20,7% intentions de vote. Il serait suivi de la présidente par intérim avec 15,6% des voix puis du candidat centriste et ancien président Carlos Mesa qui recueillerait 13,8% des suffrages. Le tandem présidentiel choisi par Evo Morales pour représenter le MAS aux élections présidentielles du 3 mai prochain comprendra Luis Arce, ancien ministre de l'Economie (2006/2019) et David Choquehuanca, ancien chef de la diplomatie bolivienne (2006/2017 et 2017/2019) et secrétaire général de l'Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA). Pour rappel, avec l'arrivée au pouvoir en 2005 du président Evo Morales, la Bolivie aura connu une expérience sociopolitique inédite. Soucieux de reprendre le contrôle sur les ressources naturelles du pays et, par la même occasion, de répondre aux revendications du mouvement indigène, Evo Morales, qui aura été le premier président «aymara» de la Bolivie – cette population amérindienne originaire de la région du lac Titicaca située au croisement de la Bolivie, du Pérou, de l'Argentine et du Chili – a fait franchir au pays une étape importante en faisant adopter, le 22 Janvier 2009, une nouvelle constitution consacrant l'avènement de l'Etat «plurinational». Aussi, pour commémorer cet anniversaire, ce mercredi 22 janvier 2020, Evo Morales et Jeanine Anez ont, chacun de son côté, présenté leur bilan d'étape ; le premier depuis Buenos-Aires et la seconde depuis le Palais du Gouvernement à La Paz. Ainsi, si dans le «discours à la Nation» prononcé depuis son exil argentin, l'ancien président Evo Morales a souligné les importantes réalisations économiques et sociales de ses 14 années à la tête de la Bolivie et dénoncé la dérive dictatoriale du gouvernement Anez, cette dernière considère, de son côté, avoir rempli son rôle transitoire en réorganisant les comptes de l'Etat. Aucun mot, toutefois, sur les massacres de Senkara et de Sacaba commis en Novembre dernier au cours desquels 36 personnes auraient été massacrées par les forces de sécurité (police et armée) après que ces dernières aient été placées sous le commandement de la présidente par intérim; assassinats qui font, actuellement, l'objet d'une enquête diligentée par la Cour Interaméricaine des droits de l'homme. Enfin, si en imposant son «ticket» et la stratégie à suivre, Evo Morales avait créé, au début, un certain malaise au sein même de ses proches car il est allé à l'encontre des dispositions retenues par le «Pacte d'Unité» – cette alliance évolutive d'organisations sociales qui constitue le noyau-même de la Coordination nationale pour le changement – force est de reconnaître qu'en suivant leur ancien président, de nombreux boliviens ont fini par considérer que le tandem Arce-Choquehuanca, serait bien la «combinaison parfaite entre la ville et la campagne bolivienne (…) entre la science et la sagesse ancestrale». Alors, attendons pour voir…