L'Assurance maladie obligatoire (AMO) est sans conteste l'un des grands chantiers ouverts par notre pays en ce début du 21ème siècle, eu égard aux grands espoirs placés dans ce système qui est un projet de toute une nation. Un projet qui a mis plusieurs décennies pour enfin le voir se réaliser. Sensé contribuer à assurer une équité et une justice dans l'accès aux soins et aux médicaments , à permettre à une plus grande frange de notre population d'être mieux soignée par des personnels de santé qualifiés, dans des structures adaptées et bien équipées, l'AMO n'en finit pas de susciter des interrogations . Eclaircissements Cinq ans après son entrée en vigueur, que peut–on dire de l'Assurance maladie obligatoire (AMO) ? Quel est le regard que portent les citoyens sur ce chantier social ? Quels sont les problèmes sur lesquels bute l'assurance maladie obligatoire (AMO) ? Qu'en est-il des déclarations qui font état d'un déficit annoncé de l'AMO à partir de 2011 ? Des questions et tant d'autres que nous avons préparées à l'adresse des gestionnaires de l'AMO, dont notamment ceux de la CNSS et de l'ANAM ainsi qu'aux prestataires de soins, afin d'informer nos lecteurs sur les grandes avancées de l'AMO, mais aussi sur les dérives susceptibles de porter atteinte à ce projet sociétal, des dérives qu'il va falloir dés à présent chercher à tout mettre en œuvre pour les éviter ou du moins les contourner. C'est une question qui taraude l'esprit d'un grand nombre de nos concitoyens. Il nous est apparu nécessaire de répondre à cette question, une réponse qui reste, bien entendu, celle d'un professionnel de santé qui a capitalisé plus de trente années d'expérience au sein des structures de santé, en particulier les hôpitaux publics. Cinq années se sont écoulées depuis l'entrée en vigueur de l'AMO, faut-il aujourd'hui se réjouir de l'instauration de l'Assurance maladie obligatoire ? A priori oui. Les raisons sont nombreuses. Tout d'abord, on peut constater que le secteur de la santé s'est considérablement développé au cours de ces dix dernières années qu'au cours des vingt ou trente dernières années qui précédent la mise en place de l'AMO. Des malades autrefois condamnés sont aujourd'hui sauvés, des vies sont prolongées et ce dans de bonnes conditions. La souffrance et la dépendance reculent. Nos hôpitaux sont de mieux en mieux équipés, de plus en plus performants, les personnels de santé sont de plus en plus qualifiés. Il y a l'évidence de grands progrès, de grandes avancées qui sont étroitement liés à la mise en place du système de prévoyance sociale (AMO) qui oblige et incite à une mise à niveau de nos structures hospitalières. On peut donc légitimement et objectivement dire que l'AMO est un moteur qui a redynamisé le paysage hospitalier marocain, aujourd'hui une image de référence de notre modernité. Ce qu'en pensent les gestionnaires de l'AMO ? Si on s'en tient aux déclarations, et aux nombreuses interviews accordés par les uns et les autres, il ne fait aucun doute que le directeur de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) exprime un optimisme affiché. Le même avis est partagé par Abdelaziz Adnane, directeur de la Caisse nationale des organismes de la prévoyance sociale (Cnops) et c'est aussi ce que pense Chakib Tazi, patron de l'ANAM. Nous avons bien entendu cherché à entrer en contact avec Saïd Hamidouch, directeur de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), le Lundi 12 Juillet 2010, sa secrétaire nous a signifié qu'il était en réunion à Rabat. Nous avons pris contact avec le service chargé de la communication en la personne de Mlle Idrissi Islam à laquelle nous avons adressé par Email quatre questions destinées au directeur de l'AMO .Résultat : nous avons reçu un e-mail en retour le Mardi 13 Juillet qui disait que nos questions sont stratégiques et que personne ne pouvait répondre. Nous avons entrepris la même démarche avec l'ANAM, pour tenter de joindre Mr Chakib Tazi, ce fut le même son de cloche de la part de sa secrétaire : «il est en réunion, j'ai transmis votre message…» A l'évidence le droit à l'information, c'est pas pour aujourd'hui. Et les prestataires ? Les prestataires de soins sont très partagés, il y a celles et ceux qui sont très satisfaits par la mise en place de l'AMO, qui a des effets bénéfiques sur le niveau de santé atteint aujourd'hui par notre pays. Une grande partie de notre population qui, hier encore, était exclue des prestations de santé, y a aujourd'hui pleinement droit grâce à l'AMO. Des avancées importantes ont été réalisées dans le domaine de la santé notamment avec l'exonération du ticket modérateur pour les affections de longue durée (ALD) en 2007 puis son extension en 2009, l'élargissement des soins pris en charge par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) en 2010. Les malades ont accès à la dialyse, des interventions à cœur ouvert sont aujourd'hui possibles, de même pour ce qui est de la prise en charge du cancer… Ce qui ne veut nullement dire que tout va bien. Loin s'en faut, il reste énormément beaucoup à faire, ce qui est tout à fait compréhensible eu égard au caractère social du système de protection qui est mis en vigueur, ce qui n'est pas une mince affaire. Il y a certes des freins, des blocages qui entravent la marche de l'AMO, nous n'aborderons pas ici ce volet qui pourra faire l'objet d'un autre article, ce qui nous permettra de donner la parole aux différents acteurs. L'avis du CHU Ibn Rochd de Casablanca Nous avons rencontré le directeur général du CHU Ibn Rochd de Casablanca, le professeur Abdenbi Kamar pour savoir ce qu'il pense de l'AMO. Tout en reconnaissant les grandes avancées enregistrées en ce qui concerne la santé au Maroc, grâce notamment à la mise en place de l'assurance maladie obligatoire, le professeur Kamar ne cache pas sa déception car le CHU ne réalise que 8 % avec l'AMO, ce qui est insignifiant, surtout que pour un malade pris en charge grâce à l'assurance maladie obligatoire, ce sont 2 malades indigents qui sont pris en charge par le CHU. En outre, le professeur Kamar a tenu à souligner que la CNSS accuse des retards dans le paiement des différents dossiers (hospitalisations – examens …) parfois de deux années. Par contre, la CNOPS est à jour, ce qui nous permet de travailler sereinement et efficacement avec cet organisme. Le professeur Kamar, n'a pas manqué de souligner que la prise en charge des malades cancéreux, surtout ceux qui sont assurés par la CNSS est marquée par une opacité en ce sens que les prix du CHU sont 30 à 40 % moins chers, mais ces malades sont souvent orientés vers des structures privées. C'est à ne rien comprendre au moment où l'on veut réaliser des économies. En ce qui concerne le RAMED, le professeur Kamar s'est montré très optimiste, il y a des malades qui nous arrivent de Béni-mellal, ils sont totalement pris en charge conformément aux directives du ministère de la Santé qui a accordé une subvention de 10 millions de dirhams au titre de l'exercice 2009, ce qui nous permet au CHU de prendre en charge comme il se doit ces patients en veillant à la bonne qualité des soins. En conclusion, et à la lumière des différents éléments que nous avons relaté, il nous semble que l'AMO constitue un haut degré de civilisation qui, aujourd'hui, place notre pays parmi ceux qui accordent un très grand intérêt à leurs citoyens et il n'est nullement pénalisant d'accorder une part plus importante des richesses de notre pays à la santé des Marocains.