Cela fait plus de deux mois que la colère gronde à Hong Kong. En effet, l'ancienne colonie britannique qui, depuis sa rétrocession à la Chine en 1997 conformément au principe «un pays, deux systèmes», bénéficiait d'une semi-autonomie qui devait durer cinquante années soit jusqu'en 2047, fait face depuis juin dernier à un mouvement de révolte pro-démocratie sans précédent. Pour cause, le gouvernement de Pékin, désireux de combler le «vide juridique» qui, à ses yeux, avait fait de Hong Kong un «asile pour certains criminels», avait élaboré un projet de loi devant permettre des extraditions vers toutes les juridictions même quand aucun accord bilatéral n'existe y compris vers la Chine continentale. Mais si pour Pékin, ce projet ne concernait pas les opposants à sa politique, les hongkongais estiment, de leur côté, que compte-tenu de l'opacité de la justice chinoise, cette réforme va immanquablement nuire à l'image internationale et à l'attractivité du territoire. Et si, par ailleurs, l'autonomie conférée à l'île de Hong Kong permettait à ce territoire d'offrir aussi bien aux entreprises étrangères qu'aux sociétés chinoises, la sécurité juridique qu'elles ne trouvaient pas en Chine continentale, il est certain que si ce mouvement de révolte perdure, les entreprises chinoises cotées à la Bourse de Hong Kong – qui est l'une des plus importantes places financières mondiales – vont être touchées de plein fouet car, comme l'a déclaré le professeur Ming Sing, de l'Université des sciences et technologies de Hong Kong, l'aptitude de l'île «à mobiliser les capitaux pour les entreprises chinoises sera érodée». En outre, de l'avis de Carrie Lam, la cheffe de l'exécutif local, si la crise politique actuelle perdure, celle-ci pourrait avoir des conséquences pires que celles de 2008 car même si son PIB ne représente plus que 3% de celui de la Chine alors qu'il représentait 18,5% en 1997, l'ancienne colonie britannique conserve, tout de même, une place prépondérante dans l'économie de la Chine en tant que deuxième puissance économique mondiale ; une importance, certes, disproportionnée par rapport à sa taille d'à peine 1.100 km². D'ailleurs, si l'on en croit Tianley Huang, analyste à l'Institut Peterson d'économie internationale basé à Washington, Pékin a développé dans ce territoire depuis son retour dans le giron chinois, «des intérêts économiques et commerciaux énormes (car) pour assurer sa propre prospérité, la Chine a toujours besoin d'un Hong Kong capitaliste». Aussi, même si le gouvernement chinois a laissé planer ces derniers temps la menace d'une intervention militaire pour «rétablir l'ordre», rien n'indique qu'il serait prêt à rééditer la tristement célèbre répression de Tian an men du 4 juin 1989 et ce, d'autant plus que les nombreux dirigeants chinois formant ce que l'on appelle «l'aristocratie rouge», détenant d'importants fonds dans les banques hongkongaises et ayant effectué de très gros investissements dans l'immobilier, les entreprises ou le commerce se trouveront dans l'obligation de faire tout ce qu'il faut pour que l'économie de l'île ne s'effondre pas. Y parviendront-ils ? Attendons pour voir…