César 2019 du meilleur film d'animation pour son long-métrage «Dilili à Paris», Michel Ocelot, figure emblématique du cinéma d'animation mondiale, est venu présenter avec beaucoup d'enthousiasme son nouveau film devant le public du FICAM. Ami fidèle du festival et de la ville, Ocelot a partagé sa passion pour le cinéma avec le grand public dans une atmosphère conviviale et fraternelle. Michel Ocelot est connu du grand public pour sa trilogie de films d'animation Kirikou. Rencontre avec un réalisateur hors pair. Al Bayane : Vous êtes l'un des amis fidèles du FICAM. A l'affiche, vous êtes l'invité de marque du festival auquel vous participé cette année avec votre nouveau long-métrage «Dilili à Paris». Parlez-nous un peu de cette amitié qui s'est développée au fil des ans avec le FICAM qui fête ses 18 ans d'existence. Michel Ocelot : Pour ce festival, il y a déjà un point de départ qui est très positif et une petite chance dans le fait d'avoir ce lieu exceptionnel : l'Institut Français de Meknès. C'est agréable, c'est beau, c'est détendant… il y a tout ce qu'il faut comme salles de projection, de classe, il y a une buvette, tout un jardin et une petite vue sur la ville qui est très agréable. Tout cela fait partie du charme du festival. En effet, ce qui est très bien aussi, c'est que le festival sort de ce cercle privilégié et va aussi dans les quartiers de la ville et apporte ce cinéma que peu de gens dans le monde voit facilement. Et ensuite, faire profiter tout le monde de ce festival est un acquis important si on le comparait un peu au festival de Cannes qui est un festival des « interdictions ». Le FICAM est un festival très ouvert. Il y a aussi le charme du Maroc, sa beauté et la gentillesse de ses gens. A votre avis, le FICAM a-t-il évolué dans sa programmation, sa philosophie et sa ligne éditoriale? Ce festival est une manifestation qui se développe d'année en année et qui attire de plus en plus de films et de vedettes du cinéma d'animation qui viennent à Meknès. Ici, on mange très bien, ce n'est pas superficiel pour moi parce que ça fait partie de la civilisation. C'est un très beau festival et Meknès est une très belle ville aussi. On a entendu dire que vous préparez un prochain film dont le point de départ sera au Maroc. Pourriez-vous en dire plus sur ce projet cinématographique? Avez-vous fait des recherches sur sa civilisation, son architecture, sa gastronomie, ses contes ainsi que sur le savoir-faire et vivre de ses gens? Cette recherche je l'avais faite il y a longtemps pour mon film «Azur et Asmar». En fait, je suis venu ici pour visionner et découvrir de près ce pays sur lequel j'en sais beaucoup. Le point de départ de mon film qui se passe au Maroc sera très simple à faire. Dans vos films et travaux cinématographiques, vous utilisez beaucoup les couleurs. Dans le long métrage «Dilili à Paris», la couleur est omniprésente et poétise les scènes. On dirait des tableaux. Pourquoi cet engouement pour la les couleurs? Je ne comprends pas pourquoi on n'est pas dans l'engouement de la couleur. Pour moi, c'est naturel parce que la couleur existe partout et aujourd'hui avec tous les instruments que nous avons, en particulier le numérique, on a cette possibilité d'accéder à toutes les couleurs et les matières qui existent. Et il faut en profiter. Autrement dit, je ne comprends pas pourquoi les autres n'en profitent pas davantage. Mon prochain film sera un feu d'artifice. … les couleurs du Maroc inspireront votre prochain film? Les couleurs dans l'architecture et la décoration, les choses qui brillent comme les broderies ou encore tout ce qui est argenterie me plaisent aussi et m'inspirent. Revenons à votre film «Dilili à Paris», il commence dans un univers africain pour terminer dans la ville des lumières, Paris et son âge d'or… Il y a plusieurs âges d'or pour cette ville… Aujourd'hui, la ville vit un âge d'or! «Kanake Dilili», pourquoi ce personnage intelligent, doué et cultivé? Le début du film est extrêmement sérieux parce qu'il y a des hommes qui violent et tuent des femmes et des filles. Ce sont des chiffres renversants ! Le nombre de femmes et de filles tuées sont plus énormes que les morts liées aux guerres. Il y a des vies qui sont plus dures que la mort. Tout ça est un cauchemar, mais c'est un cauchemar réel ! C'est de ça que je voulais parler. Je voulais parler aussi de ce mal qui est réel ; du bien qui est aussi réel. Quand je vois une très belle chose au Maroc, je ne me sens pas étranger, je sens que c'est partiel à Paris. C'est une espèce de recherche de la beauté que je reconnais comme mienne. Le goût aussi pour l'écriture, la poésie, l'architecture… des choses qui nous permettent de combattre le mal et vivre ensemble hommes et femmes. Toujours dans le film «Dilili à Paris», vous parlez de cette belle vie parisienne, mais aussi pourrie. Que pensez-vous de l'actuelle Paris qui a vécu dernièrement des événements bouleversants ? C'est horrible! Ces événements violents m'inquiètent, m'intriguent… Je ne m'attendais pas à ça. Je suis troublé, déçu, inquiet. Mais ce n'est pas la première fois que la France vive ces troubles et la violence. Je croyais que c'était un peu terminé. Je ne sais pas quoi faire. Une image de femmes soumises, assises à quatre pattes, vêtues en noir est bouleversante dans le film. Que voulez-vous dire par cette scène ? Depuis toujours, je ne vois pas de différence de qualité entre hommes et femmes. Dès l'enfance, j'ai eu deux femmes dans ma vie : ma maman et ma sœur. En revanche, jamais ne m'est venu à l'esprit que j'étais supérieur à ces deux personnes, et je continue comme ça. Je ne comprends pas pourquoi des hommes ont besoin de piétiner les femmes et les filles. Je trouve ça stupide, négatif. Les femmes piétinées ne sont pas heureuses et les hommes qui piétinent ne sont pas heureux non plus. Moi je suis heureux quand j'ai de bonnes relations avec des femmes. Dans «Azur et Asmar» vous avez abordé la question de l'immigration qui est actuellement un grand phénomène auquel le monde fait face. Aujourd'hui comment à votre avis le cinéma traite l'immigration, notamment avec la montée en puissance de l'extrême droite et du discours populiste qui nourrissent l'esprit de la violence ? Et quel rôle peut jouer le cinéma dans la transmission des valeurs humaines, humanistes et universelles? Le cinéma peut jouer tous les rôles. Nous avons de la puissance pour inspirer les gens à être violents ou à être nobles et gentils. Mais pour la question des vagues d'immigration, je n'ai pas de réponse. Sincèrement, je ne sais pas quoi faire. C'est une question embarrassante ! Dans mes films, j'essaie d'apporter de la décontraction, un apaisement et de la dignité aux gens.