Les débats publics autour de la nouvelle Constitution ont très peu porté sur cette question, qui semble être du domaine des seuls spécialistes, la sacro-sainte règle de sauvegarde des équilibres macroéconomiques. Ce principe est désormais consacré par la nouvelle Constitution marocaine. Cela veut dire que les prochains gouvernements, au moment de la conception des hypothèses de la loi de finances annuelle, devront impérativement s'inscrire dans cette logique de maintien des équilibres macroéconomiques. Il ne sera plus permis d'aller vers des hypothèses pouvant mettre en péril ces mêmes équilibres. Cela voudra dire aussi que les marges de manœuvre futures du pouvoir exécutif seront encadrées par cette disposition constitutionnelle rigoureuse. Les arbitrages s'en trouvent également drastiquement réduits à leur plus simple expression. Ce rappel nous a semblé opportun surtout qu'un pays comme la France vit, ces jours-ci, une grande polémique à la suite de l'initiative du gouvernement Sarkozy de vouloir constitutionnaliser cette disposition de sauvegarde des équilibres macroéconomiques dans l'élaboration des lois de finances récurrentes. L'opposition en France a vu en cette initiative une volonté de Sarkozy de réduire les marges de manœuvre des prochains gouvernements (surtout socialistes) qui pourraient éventuellement recourir au déficit budgétaire pour financer la croissance comme le font allégrement depuis des années les USA. Une telle décision est certainement dictée par les rigueurs qu'impose actuellement la gestion des conséquences dues aux retombées de la crise économique et financière que connaissent certains pays de la zone Euro depuis un moment. Au Maroc, rappelons que les différents gouvernements, depuis l'alternance, ont connu des débats houleux en leur sein concernant la marche à suivre pour la gestion des grands équilibres macroéconomiques. D'un côté il y avait ceux qui considéraient qu'une gestion rigoureuse de la demande globale avec le maintien d'une certaine dimension sociale des budgets était possible. De l'autre, nous avions la thèse de ceux qui appelaient à l'acceptation d'un niveau «soutenable» du déficit budgétaire. Ces derniers mettaient la condition que ce type de déficit «maîtrisable» devrait servir à la relance de l'investissement public et la dynamisation de la croissance, surtout en période de mauvaise prestation du secteur primaire ou de récession importée due aux impératifs de l'ouverture. Ce débat a été engagé dans le cadre des réflexions de l'époque qui tentaient d'ouvrir des brèches dans les conditionnalités fermes qu'imposait le traitement de la dette interne et externe et surtout cette volonté de se donner des marges de manœuvre potentielles, tout en conservant de bons rapports avec les organismes financiers internationaux et surtout les agences de notation mondiales qui apprécient la notion du «risque pays». Aujourd'hui, la cause est entendue, les prochains gouvernements du Maroc ont une ligne de conduite bien claire dans la gestion des finances publiques. Ils devront faire preuve de beaucoup d'imagination afin de maintenir surtout les grands équilibres sociaux. Mais il reste qu'il n'est point permis de raisonner dans ce domaine dans le cadre de logiques univoques.