La nouvelle est tombée comme un couperet sur le monde des affaires. Le patron du groupe Ynna Holding a tiré sa révérence samedi dernier dans un hôpital en Allemagne. Natif de Chiadma, petit patelin près d'Essaouira, Miloud Chaâbi incarnait le rêve américain. Il décriait lui-même son parcours comme atypique. Autodidacte ayant quitté l'école coranique très jeune, il a commencé à travailler comme berger d'un troupeau familial. Fuyant la misère et surtout, par peur d'affronter son père après la disparition de l'une de ses brebis dévorée par un loup, il se rend très jeune à Marrakech où il a travaillé dans les souks comme marchand de tomates puis à Kénitra où il devient maçon. L'empire du self-made-man a commencé lorsqu'il a créé sa première entreprise de construction en recrutant deux maçons. Une entreprise qui existe toujours dans le magma du groupe Ynna, qui comprend plusieurs entreprises dont la SNEP, Chaâbi Lil Iskake et la chaîne de supermarchés Aswak Assalam. La société connaitra un succès, mais Chaâbi affiche des ambitions plus grandes. Il oriente son expansion à l'international, notamment en Libye qui était en peine construction et faisait appel aux entreprises étrangères. Le succès qu'il a connu en Libye le pousse à tenter de pénétrer de nouveaux marchés. Il parvient à gagner les marchés égyptien et tunisien. Ce pionner du secteur de l'immobilier a également marqué la sphère politique. A 33 ans, il assure la présidence de la chambre de commerce de Kénitra. Un poste qu'il obtient en récompense à son appui au leader socialiste Abderrahim Bouabid, alors interdit de meetings. En soutenant Bouabid, Miloud Chaâbi s'est attiré les foudres du ministre de l'Intérieur, le général Oufkir. En 1969, ce dernier l'aurait empêché de remporter un 3e mandat. Ce qui le pousse à quitter le pays pour poursuivre son expansion. Près de 14 ans après, il revient au Maroc encore plus riche et surtout, encore plus fort. En 1983, il décroche un siège de député. En politique, Chaâabi se présente aux élections sous les couleurs de l'Istiqlal avant de rejoindre le PJD. Il effectue également un passage dans les rangs du PPS, avant de ne prendre ses distances avec les formations politiques. En 2011, il préside un groupe de parlementaires indépendants avant de démissionner en décembre 2014. Fidèle à lui-même, Miloud Chaâbi ne trahissait jamais son franc-parler. Il n'hésitait pas à revendiquer plus de transparence et à pointer des « clans qui se sont enrichis en un laps de temps réduit et qui ont profité du soutien des autorités. » Des propos qui avaient dérangé le monde des affaires. En 2015, il refuse de négocier avec Fives FCB pour sauver sa holding, condamnée à payer 19,5 millions d'euros de dommages. En partant, Miloud Chaâbi laisse derrière lui un empire qui brasse un chiffre d'affaires de 10 milliards de DH.