17ème Congrès national du Parti Populaire (PP : au pouvoir en Espagne) a attribué, lors de ses assises à Séville (17-19 février), une importance particulière à Sebta et Melilla en recommandant « la nécessité d'une reconnaissance de leur singularité de la part des institutions européennes ». C'est un pas en avant dans le traitement du dossier territorial et une attitude claire à l'égard des revendications par le Maroc de la souveraineté sur ces deux villes et les îlots adjacents occupés. Le PP s'engage à placer l'Union Européenne (UE) devant le fait accompli en tentant de forcer ses membres à reconnaître le statut de Sebta et Melilla, comme partie intégrante de l'espace européen. Cette prise de position a été minutieusement préparée par le comité organisateur du Congrès du PP en élaborant un document de travail intitulé « Europe et Politique extérieure ». Le document (en trente pages) adopté sans débat par les congressistes conservateurs, attribue tacitement au dossier territorial une nouvelle interprétation dans les futures relations entre le Maroc et l'Espagne. Son contenu invite à une lecture plus approfondie des différents points abordés. De même, le document se penche sur la « politique agraire commune » de l'UE, autre aspect relatif aux relations Maroc-UE. « L'actuelle politique agricole communautaire (PAC) ne résout pas les problèmes réels des agriculteurs et nous ne sommes pas d'accord avec les nouvelles propositions de réforme de la PAC pour la période 2014-2020, annoncées par la Commission Européenne », lit-on dans le document de travail. Dans ce contexte, le PP propose que l'UE doive s'appuyer sur sa propre production agricole et les contrôles de qualité et de sécurité dans l'alimentation, « qui ne sont pas toujours garantis par les fournisseurs extracommunautaires ». Ceci rejoint en partie le slogan scandé à tort et à travers par le lobby agricole espagnol dans sa campagne qui avait précédé la ratification par le Parlement Européen du nouvel accord agricole UE-Maroc. De même, les rédacteurs du document de travail soutiennent que les politiques agricole et halieutique, fondamentales pour «le développement de notre pays» doivent s'orienter vers l'équilibre territorial, le développement durable, la rentabilité et la compétitivité. Cette recommandation traduit le forcing exercé par le secteur économique espagnol pour la reconduction de l'accord de pêche entre le Maroc et l'UE. «Pour cela, nous devons renforcer, dans les négociations préalables à la réforme définitive de la PAC, le rôle de l'Espagne en tant que productrice d'aliments, une garantie d'une Europe autosuffisante sur ce plan», poursuit le document. Cette approche de la PAC introduit l'idée essentielle concernant la «politique de cohésion» en Europe que voulaient transmettre les rédacteurs du texte en relation avec le dossier territorial. « La politique de cohésion doit être sensible aux faits différentiels qui méritent une spéciale attention, dont en ce qui concerne l'Espagne, l'insularité de nos archipels et le fait d'être, à travers Sebta et Melilla, l'unique frontière de l'UE dans le continent africain ». C'est un nouveau pas accompli par le PP dans le sens de forcer la main à l'UE pour reconnaître le statut de ces deux villes du Nord du Maroc, motif d'un litige bilatéral vieux de plusieurs siècles. Les rédacteurs visent à travers cette approche démontrer la viabilité de l'appui sollicité en avançant, entre autres, la question migratoire, la pression des étrangers sur les services sociaux et le déficit en infrastructures. Eu égard au caractère frontalier et à l'insuffisance de ressources, ils réclament avec insistance «un traitement spécial pour Sebta et Melilla aussi bien au sein de l'UE qu'en Espagne». C'est une demande qui cache l'obsession d'aboutir à la reconnaissance de l'hispanité de ces deux villes au niveau européen et à un consensus au niveau de l'Espagne. Dans ce contexte, ils proposent de «coopérer avec le voisinage en termes de complémentarité», sans citer nommément le Maroc. Ce document, qui bénéficie désormais de la bénédiction de l'ensemble des composantes du PP, va constituer le fondement d'une nouvelle doctrine que compte appliquer l'actuel gouvernement espagnol dans la politique de rapprochement à l'égard du Maroc. Sebta, Melilla et les Iles Jaâfarines représentent, en outre, un des contentieux insolubles dans les relations maroco-espagnoles dont la résolution déborde le cadre d'un congrès national ou d'une conférence régionale. Il s'agit d'une question qui nourrit les revendications nationales au Maroc dans le parachèvement de son intégrité territoriale, fait partie de l'agenda des partis politiques depuis l'avènement de l'indépendance et est inscrite aux Nations Unies parmi les territoires encore colonisés. Le document du PP, parti au pouvoir, représente uniquement un ballon d'essai pour tester le degré de réaction de l'opinion publique marocaine avant de l'inclure dans l'agenda du ministère espagnol des Affaires Extérieures et de la Coopération. Les faucons du PP, qui ont mené une farouche campagne contre la ratification par les eurodéputés, jeudi dernier, de l'accord agricole Maroc-UE, ne sont pas prêts à désarmer et vont sûrement ouvrir un nouveau front de tension faisant fi des multiples intérêts unissant les deux pays voisins. Territoires marocains occupés Nouveau dérapage de Madrid Encore une fois, notre voisin du nord suscite l'indignation du peuple marocain. Et pour cause, les autorités espagnoles s'apprêtent à l'activation de l'accord conclu entre leurs ministères de l'intérieur et des Affaires étrangères pour imposer le visa aux citoyens marocains désirant faire un déplacement aux territoires colonisés Sebta et Mellilia. Ledit accord intitulé «Les frontières extérieures de l'Espagne», a été publié le 3 février 2012 dans le numéro 29 du bulletin officiel du royaume d'Espagne, et plus précisément dans les pages 9832, 9833,9834 et 9835. Selon un communiqué du comité de coordination des acteurs de la société civile du nord du Maroc, parvenu à la rédaction du journal Al Bayane, ces mesures prises par le gouvernement de Madrid «constituent une atteinte à la souveraineté du royaume du Maroc», appelant ainsi, «le gouvernement marocain à assumer sa responsabilité historique, celle de faire face à ce complot». Le comité de coordination a également indiqué «qu'il va prochainement annoncer des mouvements de militantisme afin de dénoncer ce nouveau complot mijoté par les autorités espagnoles.» K.D