Entre délais mal définis, absence de communication claire et réallocation arbitraire des quotas, les importateurs et le ministère de l'agriculture ont déclenché un processus opaque et précipité qui a secoué terriblement l'approvisionnement normal du marché des ovins. Dès le départ, le programme d'importation a été entaché par un manque de transparence et une improvisation manifeste. Le premier avis, publié le 24 avril 2024 par l'Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL), fixait une échéance au 15 mai 2024 pour que les importateurs déposent leurs justificatifs de réalisation, sauf que les délais de livraison, les procédures douanières et les aléas logistiques n'ont jamais été expliqués. Selon des documents consultés par Barlamane.com, le ministère de l'agriculture (MAPMDREF) s'est illustré par une gestion pour le moins chaotique du programme de subvention à l'importation des ovins. Par un enchevêtrement de décisions précipitées, de délais irréalistes et d'une opacité troublante dans l'attribution des quotas, l'administration met en péril l'approvisionnement du marché tout en jetant le discrédit sur un dispositif censé garantir une offre stable et accessible. Des exigences administratives en porte-à-faux avec les réalités du commerce Le 24 avril 2024, l'Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL) publiait un avis fixant au 15 mai 2024 la date limite pour les importateurs d'ovins bénéficiaires de la subvention afin de fournir les justificatifs attestant de la réalisation effective de leurs engagements. Une injonction qui témoigne d'une méconnaissance manifeste des délais incompressibles régissant les circuits d'importation de bétail : négociation des contrats, obtention des autorisations sanitaires, affrètement maritime, contrôles douaniers... Autant d'étapes qui, de par leur nature, nécessitent une temporalité que nul décret ministériel ne saurait abroger. Or, le 20 mai 2024, soit à peine cinq jours après l'expiration de cette échéance, le comité de suivi des importations s'est réuni pour constater que plusieurs importateurs n'avaient pas produit les documents exigés dans le temps imparti. L'administration, au lieu de reconnaître l'inadéquation de ses propres exigences, a opté pour une solution brutale : la réaffectation immédiate des quotas non justifiés à d'autres opérateurs. Cette décision, prise dans la précipitation et sans concertation avec les parties concernées, illustre une dérive bureaucratique où la rigidité réglementaire l'emporte sur toute considération pragmatique. Une redistribution opaque et précipitée des quotas d'importation Le flou entourant la réaffectation des contingents initialement accordés ajoute à la confusion ambiante. Sur quels critères ces nouvelles attributions ont-elles été décidées ? Quels sont les importateurs nouvellement bénéficiaires ? Pourquoi n'a-t-on pas procédé à un réexamen des dossiers en tenant compte des difficultés logistiques avérées ? L'ONICL, dans ses communiqués laconiques, se garde bien d'apporter la moindre clarification. Cette absence de transparence nourrit les soupçons d'une gestion arbitraire, voire clientéliste, où certains opérateurs se verraient pénalisés sans justification valable tandis que d'autres bénéficieraient de passe-droits indéchiffrables. Dans un secteur aussi stratégique que l'importation d'ovins en période de forte demande, une telle opacité est non seulement préjudiciable à la confiance des acteurs économiques, mais risque également de fausser la concurrence et de compromettre l'efficacité même du programme de subvention. Une menace imminente sur les prix et l'approvisionnement du marché Les répercussions de cette gestion erratique ne sont pas purement administratives : elles risquent d'avoir un effet direct et dévastateur sur le marché. En disqualifiant brutalement certains importateurs et en redistribuant les quotas dans des conditions obscures, le MAPMDREF perturbe les circuits d'acheminement, au risque de créer une pénurie artificielle. Les experts du secteur tirent déjà la sonnette d'alarme : si les importations prévues n'aboutissent pas en quantité suffisante, la contraction de l'offre entraînera mécaniquement une envolée des prix du bétail, rendant l'achat d'un mouton prohibitif pour une frange significative de la population. Une telle situation, qui pourrait être évitée par une planification plus rigoureuse et un dialogue accru avec les importateurs, menace de provoquer un mécontentement social à l'approche de l'une des fêtes les plus importantes du calendrier musulman. Un ministère enfermé dans ses propres contradictions Face aux critiques croissantes, le MAPMDREF persiste dans son mutisme, se retranchant derrière des considérations réglementaires qui ne tiennent aucun compte des réalités économiques et logistiques. En imposant des délais irréalistes, en sanctionnant des opérateurs pour des retards indépendants de leur volonté et en redistribuant les quotas selon des modalités opaques, l'administration donne l'image d'une entité inflexible, sourd aux alertes des professionnels et incapable d'anticiper les conséquences de ses propres décisions. Il est encore temps d'agir pour éviter un désastre prévisible. Le ministère doit revoir sa copie, assouplir ses procédures, et surtout, faire preuve d'une transparence irréprochable dans la gestion de ce programme. Faute de quoi, il devra assumer la responsabilité d'un déséquilibre du marché aux conséquences économiques et sociales potentiellement explosives. Voici la première liste des 106 importateurs dévoilés Une liste additive a été dévoilée, entretemps : Et une quatrième pour la route : Contrôles peu sérieux qui ont donné lieu à tant de dépassements Un document troublant met en évidence une volonté du ministère de l'agriculture d'exercer un contrôle rigoureux sur la mise en œuvre du programme de subvention à l'importation des ovins à l'occasion de l'Aïd El Adha. L'exigence faite aux importateurs de fournir, avant le 15 mai 2024, des documents attestant de la réalisation effective de leurs engagements traduit une préoccupation manifeste quant à la transparence et à la traçabilité des opérations. Toutefois, la nécessité d'un tel rappel peut également être interprétée comme un indicateur des limites du dispositif de suivi mis en place par l'administration. En effet, si les services compétents disposaient d'un mécanisme de contrôle en temps réel et d'une supervision efficace de l'ensemble des transactions, une telle démarche ex-post ne serait sans doute pas nécessaire. L'administration semble ainsi dépendre du bon vouloir des opérateurs pour justifier leurs opérations, ce qui révèle des difficultés structurelles dans la collecte et le traitement des informations relatives aux flux d'importation. Par ailleurs, la mention explicite selon laquelle le ministère se réserve le droit de déduire des subventions les quantités non justifiées laisse entendre qu'il existe un risque non négligeable de décalage entre les engagements pris par les importateurs et la réalité des importations effectuées. Ce type de mesure corrective suggère que des irrégularités ont pu être observées lors des éditions précédentes du programme, ou que le ministère craint d'éventuelles déclarations inexactes de la part des bénéficiaires de la subvention, ce qui a sûrement eu lieu.