La communauté musulmane à Sebta et à Melilla exige que l'arabe et l'amazigh soient reconnus comme langues officielles des deux villes occupées par l'Espagne. Si cette dernière rejette leur demande, ils feront appel à la justice européenne. Plusieurs associations représentant la communauté musulmane de Sebta et Melilla ont lancé un appel aux autorités espagnoles pour la reconnaissance officielle de l'arabe et de l'amazigh comme langues officielles de ces deux enclaves. Une revendication qui risque d'avoir l'effet d'un tremblement de terre dans toute la péninsule Ibérique. Et pour cause, si cette reconnaissance est accordée, tous les documents administratifs, les pancartes et autres enseignes publiques à Sebta et Melilla devraient être rédigés, en plus du castillan, en arabe et en lettres tifinaghs. La spécificité culturelle et identitaire des Marocains de ces deux villes sera reconnue par la loi. De quoi irriter bon nombre d'Espagnols. Aujourd'hui, les autorités ibériques se trouvent entre le marteau et l'enclume. Si Madrid choisi de répondre positivement à la demande de la communauté marocaine, elle aura, toutefois, du mal à prévoir les conséquences de son geste. Cela reviendrait à reconnaître que la population vivant à Sebta et Melilla est authentiquement marocaine. Elle parle l'arabe et le rifain, au même titre que dans les grandes villes du Nord du Maroc, de Tanger à Nador. Aussi, cela reviendrait à parachever le processus d'autonomie de Sebta et Melilla. En effet, chacune de ces deux villes jouit d'un statut particulier, mais moins évolué que celui des autres autonomies espagnoles. Les Marocains vivant dans ces villes occupées par l'Espagne ne veulent plus passer pour des citoyens de seconde zone. "Pourquoi, les habitants de Sebta et de Melilla ne bénéficient-ils pas des mêmes droits que les Catalans, les Basques, les Galiciens ou les Aragonais?", s'interroge Mohamed Hamed Ali, président de l'association Communauté Musulmane de Sebta, et initiateur de la demande de reconnaissance de l'arabe et l'amazigh. Une revendication à laquelle ont souscrit, rappelons-le, plusieurs autres associations à la fois à Sebta et à Melilla. En revanche, si l'Etat espagnol refuse d'accéder à la demande des Marocains de Sebta et Melilla, cela prouverait que Madrid considère réellement ces deux villes comme des régions occupées, et que les autochtones ne seront jamais des Espagnols à part entière. En tout cas, si les autorités espagnoles s'entêtent à ne pas écouter les doléances des Musulmans de Sebta et Melilla, ces derniers sont prêts à user de tous les moyens légaux pour arriver à leur fin. "Nous avons la ferme intention de porter l'affaire devant la justice espagnole et si nous n'avons pas gain de cause, nous nous dirigerons vers la Cour européenne des droits de l'homme", affirme Mohamed Hamed Ali. En effet, cette dernière, siégeant à Strasbourg, compte parmi ses attributions la protection des droits des minorités nationales. Qu'elle refuse ou qu'elle accepte, l'Espagne va laisser quelques plumes dans cette affaire. Pendant de longues années, les autorités d'occupation ont maintenu un statu quo dans ces deux villes. Cette situation ne devrait pas durer longtemps. Les Musulmans sont décidés à prendre les choses en main. Cette affaire risquerait de donner un sacré coup à son image de marque. Actuellement, la scène politique espagnole connaît un intense débat sur une éventuelle réforme constitutionnelle. Il est fort probable que les autorités espagnoles l'utilisent comme prétexte pour bloquer la reconnaissance de l'arabe et de l'amazigh à Sebta et Melilla. Mais toujours est-il, qu'un droit ne peut être bafoué sous prétexte que la loi qui le consacre risque de changer. Dans ce cas, ce serait la porte ouverte à tous les abus. En clair, si l'Espagne considère Sebta et Melilla comme des villes espagnoles à part entière, qu'elle leur accorde un statut égal aux autres autonomies. Sinon, elle devrait reconnaître, une bonne fois pour toutes, que l'intérêt d'occuper ces villes est purement économique. Sebta et Melilla drainent plusieurs milliards de dirhams quotidiennement grâce à la contrebande.