Il ne fait aucun doute que durant ses deux mandats successifs, l'ancien président iranien Mahmoud Ahmedinajad a fait l'unanimité contre lui au sein des pays occidentaux. Le départ de cet ami du Venezuela, de la Syrie, du Hezbollah libanais et du Hamas palestinien, qui refusait de plier sur quoi que ce soit, ne pouvait donc que leur plaire. Tout autre président que lui était la bienvenue. Voilà qui explique la ferveur unanime avec laquelle a été accueillie l'élection de sonremplaçant, Hassan Rouhani. C'est à croire qu'avec le départ de l'homme à l'éternelle jackette, les puissants de ce monde espèrent que l'Iran pourrait procéder à l'enfouissement de ses prétentions nucléaires, voire même lâcher certains de ses «infréquentables» alliés régionaux. Mais ce serait trop vite aller en besogne. Car Hassan Rouhani et Ahmedinajad, c'est turban blanc et blanc turban. Certes, les présidents perses sont régulièrement élus depuis l'avènement de la république islamique d'Iran, mais cette onction élective ne leur donne aucune légitimité ou pouvoir de décision. Elle reste donc confinée au pur domaine du symbolique, puisque le président iranien n'est rien d'autre qu'un faible Premier ministre élu au sein d'un régime présidentiel fort. Un exécutant parmi tant d'autres. En effet, l'essentiel du pouvoir, qu'il soit exécutif, législatif, judiciaire ou militaire est ailleurs. C'est le «guide» (spirituel et suprême) de la révolution iranienne, Ali Khamenei, cet inamovible remplaçant de Khomeyni, qui est le véritable détenteur du pouvoir. Tout le pouvoir. Grâce au principe constitutionnel de «Wilayat El Vaghih», qui fait de lui le gardien des valeurs religieuses et politiques défendues par la révolution khomeyniste de 1979, il est érigé en chef suprême dont l'avis ou la décision doit primer sur toute autre considération. Comment comprendre qu'à l'instar de ses prédécesseurs, tantôt qualifiés de conservateurs (Rafsanjani, Ahmadinajad) ou de réformateurs (Mohamed Katami), l'homme qui a remporté la présidentielle du 14 juin dernier est, à son tour, étiqueté comme «modéré» ? Comment peut-on en effet opérer une telle différenciation au sein d'un clergé aussi hiérarchisé et hermétique que celui qui régente l'Iran depuis maintenant 34 ans ? Des questions d'autant plus légitimes que Rouhani ne porte que le titre de hodjatoleslam, un docteur es théologie, qui doit respect et obéissance à ses pairs de grade supérieur, les ayotollahs, dont en premier le guide suprême. Où se situe alors sa modération ? Pour Maryam Radjavi, passionaria de l'Organisation des moujahidines du peuple iranien (opposition libérale), la réponse ne fait aucun doute : «il n'y a aucun modéré dans le régime des Mollahs». Cette phrase prononcée à l'adresse des Occidentaux et à l'occasion d'un rassemblement, samedi 22 juin 2013, de plusieurs dizaines de milliers d'opposants iraniens à Villepinte (France) qui exigent depuis plusieurs le départ du régime clérical iranien, a été reprise par l'ancien directeur de la CIA, l'Américain Porter Goss. Au cours du même rassemblement, il a affirmé que le nouveau président iranien n'est rien d'autre qu'«une marionnette aux mains des mollahs». Cependant, on si l'on peut s'attendre à ce que l'Iran lâche du lest sur le dossier nucléaire, tellement il est aujourd'hui étouffé par les sanctions économiques qui lui sont imposées, cette modération reviendra à une stratégie d'Ali Khamenei, qui aura joué la carte de Rouhani, en lui offrant le siège présidentiel sur un plateau d'or, suite à l'élimination de toutes les candidatures qui auraient pu lui faire de l'ombre. Réformateur, conservateur, modéré... sont en fait les différentes facettes qu'Ali Khamenei accole de temps à autre à «ses» candidats, en fonction de ses tactiques de l'heure.