Dirigée depuis près de trente ans par la hiérarchie chiite, l'Iran serait-il en train de passer sous la coupe des Pasdaran ? Ce scénario, que nombre d'Occidentaux considèrent déjà en marche, demande pourtant à être tempéré. Certes, les pasdaran, l'armée idéologique du régime créée dans les années 80 pour doubler l'armée traditionnelle dont les officiers étaient jugés peu sûrs, ont le vent en poupe. Leur commandant de l'armée de terre, le général Mohamad Reza Zadhedi, a annoncé récemment que six cents unités spéciales des Gardiens de la révolution seraient bientôt installées dans les régions pour assurer la défense de l'Iran face à une éventuelle invasion étrangère. A terme, les Pasdaran devraient englober les bassidji, les milices populaires, qui regroupent plusieurs millions d'Iraniens. Pour la première fois, l'actuel patron des Pasdaran, le général Jafari est aussi le commandant des Bassidji. Ce regroupement va conférer un poids militaire et politique incontestable aux Gardiens de la révolution qui disposent d'une armée de terre, de l'air, d'une marine, et de commandos « Al Qods » pour l'action extérieure. Pour certains, il marque aussi l'importance de la milice au sein de la stratégie militaire du régime. Mais pour d'autres, ce regroupement veut aussi camoufler la crise des effectifs qui sévit au sein des pasdaran dont une partie des cadres arrivent à l'âge de la retraite. Est-ce à dire que les Gardiens de la révolution qui gèrent aussi de grandes entreprises et bénéficient des contrats de l'Etat dans le domaine de la construction, risquent de peser d'un poids énorme sur le pays au point de le diriger ? C'est probablement trop vite dit, même si certains mollahs commencent à s'inquiéter. Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei reste l'arbitre des différentes forces qui cohabitent au sein du régime. C'est lui qui nomme le responsable des Gardiens de la révolution et peut le destituer. La montée en puissance des pasdaran est la réponse iranienne aux bruits de bottes qui se font entendre dans la région, en particulier du côté des Américains dont les forces prennent l'Iran en tenaille (Irak à l'ouest, Afghanistan, à l'est). Téhéran veut montrer qu'elle a aussi les moyens de se défendre. Les Pasdaran restent, en fait, une des cartes dans le jeu du Guide suprême. Probablement au même titre, ou guère plus, que les autres forces politiques du pays. Les récentes élections législatives ont montré que nul ne disposait du pouvoir total. Certes, le président Ahmadinejad a obtenu l'élection de certains de ses proches, dont celle, à Téhéran, de l'Hodjatoleslam Morteza Agh-Tehrani, convaincu comme lui, du retour sur terre du Mahdi, le douzième imam (caché) des chiites. Ce nouveau député de Téhéran sera une personnalité forte de la frange la plus dure du régime. Mais au sein des conservateurs qui ont gagné haut la main les élections, l'ayatollah Ali Khamenei pourra jouer avec des figures tel Ali Laridjani, l'ancien négociateur du dossier nucléaire, Mohsen Rezaï, ex-chef des Pasdaran ou Mohamad Qalibaf, actuel maire de Téhéran. Tous trois appartiennent à une nouvelle aile conservatrice, celle des pragmatiques farouchement opposés au président Ahmadinejad. L'enjeu de la prochaine bataille politique : les élections présidentielles du printemps 2009.