Profil du pauvre en Espagne Sous l'effet de la crise avec toutes ses conséquences au plan de l'emploi et du bien-être, L'Espagne a un nouveau profil de pauvre. C'est un immigré, chômeur, d'un niveau éducatif primaire ou inferieur et une personne seule. La récession économique est réelle et ses effets sont palpables au niveau de la production mais aussi à celui de la consommation. La baisse du pouvoir d'achat du citoyen se mesure selon le revenu, la part de l'alimentation dans les dépenses des ménages et la capacité d'épargne. Les études publiées récemment par différentes institutions révèlent la forte érosion du pouvoir d'achat du citoyen (aussi bien autochtone qu'étranger) et la baisse dans le panier des dépenses pour l'alimentation. Le profil du nouveau pauvre est déterminé sur la base de trois documents, analysés par Albayane. Il s'agit de l'Enquête sur les conditions de vie, publié fin octobre 2012 par l'institut espagnol de la statistique (INE: officiel relevant du ministère des Finances), le rapport annuel sur la pauvreté en Espagne de l'0NG catholique Caritas et l'Annuaire 2013 de la Consommation prépare par l'entreprise Nielson. Au fond, les trois études se complètent dans la mesure où elles sont parvenues au même diagnostic de la situation socioéconomique du citoyen en Espagne, des causes de l'appauvrissement et des conséquences de la perte d'un emploi sur la qualité de la vie et les dépenses du ménage. Dans son enquête, l'INE signale que les revenus moyens annuels des ménages espagnols, en 2011 ont été de 24.609 euros, soit une baisse de 1,9% par rapport à l'exercice précédent. Les revenus annuels per capita s'élèvent à 9.321 euros. Toutefois, l'étude révèle que 12% des ménages en Espagne sont confrontés à des difficultés à la fin du mois, 43% des immigrés non communautaires se trouvent dans une situation de risque de pauvreté alors que 21,1% de la population vivent sous le seuil de la pauvreté pour avoir un revenu annuel égal ou inférieur à 7.355 euros. Ceci signifie que le nombre des ménages incapables de joindre les deux bouts du mois a augmenté de 12,7% (contre 9,8% en 2011). Concrètement, 44,5% de la population ne peuvent se permettre des vacances d'au moins une semaine par an et 40% se déclarent incapables de faire face à des dépenses extraordinaires (imprévisibles). Environ 7,4% doivent faire face à des charges générées par le retard de paiement d'une hypothèque, du loyer, des reçus du gaz ou de l'électricité. Ce sont là les éléments à prendre en considération dans la mesure de l'indice de pauvreté. D'ailleurs, dans la partie introductive de son enquête, l'INE explique que compte tenu des critères recommandés par l'Office européenne de la statistique, Eurostat, le seuil de pauvreté se situe à 60% de la moyenne des revenus par unité de consommation des personnes, c'est-à-dire, ce seuil augmente ou diminue selon la moyenne des revenus de la population. De là, le seuil de pauvreté en Espagne a été déterminé en 2012 à 15.455 euros par ménage formé de deux personnes adultes et deux enfants, et, à 7.355 euros par ménage d'une seule personne. Curieusement et en dépit de la crise, le total des personnes se trouvant au-dessous du seuil de pauvreté a baissé de 0.7% par rapport à 2011 pour atteindre 21,8%. Ce chiffre peut induire toutefois à la confusion dans la mesure où le nombre de personnes âgées de plus de 65 ans a augmenté et celui des immigrées a baissé. Les premiers sont des retraités qui ont une pension de retraite et un logement propre libre d'hypothèque. Cette catégorie de citoyens enregistre le plus bas indice de risque de pauvreté (17%) en comparaison avec la catégorie d'âge de 16-64 ans (21%). L'INE confirme d'autre part une évidence selon laquelle le bas niveau éducatif est synonyme de pauvreté puisque 29% des personnes aux études primaires ont plus de risque de tomber dans les filets de la pauvreté contre seulement 10% pour ceux qui ont réalisé des études supérieures. Cette donnée coïncide avec les statistiques de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Ce qui est inquiétant dans l'étude de l'INE, c'est la situation des immigrés non communautaires, dont 43% se trouvent dans des conditions précaires les plaçant au-dessous du seuil de pauvreté, contre 19% des autochtones. Viennent ensuite les familles monoparentales (39%) et les chômeurs (36%). Ce sont les nouveaux profils des pauvres en Espagne pour être les grandes victimes de la récession économique. Le diagnostic de l'INE vient d'être corroboré par le «7e Rapport de l'observatoire de la réalité sociale», élaboré par l'équipe d'études de Caritas Espagne, parvenu, samedi à Al Bayane. L'étude a été réalisée entre avril et mai 2012 sur la base des données puisées dans les registres de 61 Caritas Diocésaines en Espagne. Selon cette ONG catholique, le total des personnes qui ont sollicité de l'aide auprès de ses services est passé de 370.251 en 2007 à 1.015.276 en 2011, soit une augmentation de 2,7 fois depuis le début de la crise économique. En détail, 56% des sollicitudes concernent les besoins en produits alimentaires, suivis de logement et d'emploi. De loin, viennent la demande de vêtements et chaussures, l'assistance sanitaire et affaires légales. Trois problèmes essentiels conduisent à une telle situation, note l'étude qui mentionne le chômage chronique, le manque de ressources et difficulté de payement des services d'hypothèques et reçus de consommation d'électricité, gaz et eau ainsi que l'insuffisance du système de protection sociale publique. La pauvreté est ainsi devenue plus étendue, intense et chronique, observe l'étude qui note qu'il s'agit d'une situation structurelle et non conjoncturelle. «Si durant la phase de croissance économique entre 1994 et 2007, la pauvreté ne s'était pas réduite, il est difficile de croire que l'abandon de la crise puisse conduire à la réduction des inégalités et la pauvreté», observe l'ONG. De ce fait, l'étude soutient que la pauvreté est beaucoup plus étendue pour affecter 10,5 millions de personnes se trouvant au-dessous du seuil de pauvreté au moment où 1.728.400 ménages dont tous les membres actifs étaient en chômage au premier trimestre de 2012 (soit 9,1%), contre 413.300 durant la même période en 2007 (soit 2,7%). Ces données sont reprises de l'Enquête sur la population active (officielle) largement commentées par Al Bayane dans de précédentes éditions. D'autres données font état de 93.636 ordres d'exécution hypothécaire en 2010 et de 192.633 personnes survivant grâce à une rente minimale contre en 103.071 en 2007. Dans une de ses conclusions, l'ONG affirme que le monde de la pauvreté se développe spécialement entre les immigrés, les chômeurs et les personnes de basse formation académique. Les profils sociaux des personnes sollicitant de l'aide auprès de Caritas sont de nationalité espagnole et des extracommunautaires en situation irrégulière. Ce sont aussi les personnes en situation de risque de perdre leur logement, les couples avec enfants et dans une moindre mesure les personnes seules et familles monoparentales, les jeunes adultes de 30 à 44 ans et les personnes sans revenus ou ayant des rentes minimales ou de base. La moyenne des revenus des personnes bénéficiant des services de Caritas est de 322 euros par mois (3.864 euros/an) alors que le seuil de pauvreté est actuellement à 651,5 euros par mois et par personne. Dans une autre étude sur la consommation, l'entreprise Nielson signale dans son Annuaire 2013, que depuis des décennies, les dépenses des ménages espagnols ont baissé pour la première fois. Ils ont décidé de renoncer à la consommation de nombreux produits de base ce qui réduit de 0,6% la consommation totale. Loin de toute littérature économique, les résultats des trois études aident à comprendre pourquoi le pouvoir d'achat du citoyen espagnol a diminué et pourquoi plusieurs milliers de personnes se trouvent en 2013 au-dessous du seuil de pauvreté.