Le Front Polisario dans le collimateur du droit international En raison de sa vaste étendue géographique et de la porosité des frontières entre ses Etats, la région sahélo-saharienne est devenue une terre fertile pour les mouvements extrémistes liés à l'islamisme radical. Cette région a connu une explosion de la violence, notamment après la création, en janvier 2007, de l'organisation Al-Qaïda aux Pays du Maghreb Islamique (AQMI) qui contrôle, en attendant une intervention de la communauté internationale, le nord du Mali. Plusieurs rapports et études font état de cette prolifération de la violence dans la région sahélo-saharienne. En effet, selon un rapport publié conjointement par l'Institut Potomac des études politiques et le Programme de Gestion des conflits de l'université John Hopkins (SAIS) aux Etats-Unis, en mars 2009, sur les menaces, les opportunités et les options possibles pour un engagement américain effectif dans la région de l'Afrique du Nord, le nombre d'attentats enregistrés dans ladite région a augmenté de 400 % entre 2001 et 2007. Les opérations terroristes dans la région revêtent plusieurs formes, allant de l'enlèvement aux attentats suicides de grande envergure. Profitant du manque de coopération entre les Etats de la région sahélo-saharienne, les groupes terroristes jouissent d'une mobilité sans entrave. Ce qui a engendré une augmentation et un renforcement de leurs activités dans la zone sahélo-saharienne. Dans ce contexte, l'enlisement du conflit saharien accroît le risque d'une dérive terroriste du Polisario en raison notamment de sa déliquescence idéologique et de l'anachronisme de ses objectifs. Cette situation a conduit, selon le journal américain The Hill, en date du 18 mars 2010, plus de 50 sénateurs américains à adresser une lettre à la Secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, dans laquelle ils l'exhortent à redoubler d'efforts, en vue de trouver une solution au différend saharien. La présente contribution tend à mettre en lumière les mécanismes conventionnels de prévention et de répression, institués par les Conventions internationales antiterroristes, ainsi que leur applicabilité dans l'éventualité d'une dérive terroriste du Front Polisario. Le droit international prohibe et réprime le terrorisme dans toutes ses formes et dans toutes ses manifestations. Ainsi, la potentialité d'une dérive terroriste du Polisario ne saurait être laissée impunie par le droit international. Ce dernier met en place un cadre normatif propice permettant aux Etats de la région sahélo-saharienne de contrer cette dérive terroriste. Sur le plan juridique international, il existe plusieurs instruments internationaux en matière de lutte contre le terrorisme, adoptés sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies (ONU). L'on peut citer la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, adoptée le 23 juin 2001, et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, adoptée le 10 avril 2002. Sur le plan régional, d'autres instruments de lutte contre le terrorisme furent adoptés. A ce titre, il convient de citer la Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), devenue Union Africaine (UA), sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, adoptée, à Alger, le 14 juillet 1999 et entrée en vigueur le 6 décembre 2002 et dont il ressort qu'elle peut être applicable au Front Polisario au cas où il menace, commet ou aide à commettre des actes terroristes. Des conséquences juridiques découlent de l'applicabilité de cette définition, notamment sur le plan de la responsabilité pénale individuelle des membres du Polisario. Il convient d'ajouter que ce n'est pas seulement la responsabilité des membres du Polisario qui risquerait d'être engagée mais également celle de l'Etat qui leur assure refuge et protection, en l'occurrence l'Algérie. Ainsi, l'article 4 de la Convention de l'UA précitée dispose que « Les Etats Parties s'engagent à s'abstenir de tout acte visant à organiser, soutenir, financer, commettre, encourager des actes terroristes ou à mettre à leur donner [sic] refuge, directement ou indirectement (...) ». En outre, les Etats africains doivent « (...) veiller à ce que leur territoire ne soit pas utilisé comme base pour la planification, l'organisation ou la commission d'actes terroristes ou, pour la participation ou l'implication dans ces actes, sous quelque forme que ce soit ». Cet article oblige également les Etats parties à « (...) renforcer les méthodes de surveillance et de détection des plans ou activités transfrontalières visant à transporter, à importer, à exporter, à amasser et à utiliser illégalement des armes, des munitions, des explosifs et d'autres matériels (...) ». Il en découle que toute dérive terroriste du Polisario risque d'engager la responsabilité internationale de l'Algérie. En matière de répression du terrorisme, les Conventions internationales antiterroristes prévoient une pluralité de compétences juridictionnelles destinées à lutter contre l'impunité des auteurs d'actes terroristes. En effet, les Etats parties à ces Conventions ont vu leur compétence juridictionnelle s'élargir à la répression des actes terroristes. Ainsi, s'il est établi que le Polisario est impliqué dans des activités terroristes, plusieurs juridictions pénales nationales pourront se déclarer compétentes pour poursuivre pénalement les responsables. D'une manière générale, trois compétences étatiques peuvent s'exercer alternativement pour réprimer les éventuels actes terroristes qui auraient été commis par, ou auxquels auraient aidé, des membres du Front Polisario. La première étant « la compétence territoriale », c'est-à-dire l'exercice de la compétence juridictionnelle de l'Etat sur le territoire duquel l'acte terroriste aurait été commis. Comme l'a si bien souligné la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI) dans son arrêt n° 1 du 7 septembre 1927, « (...) le principe de la territorialité du droit pénal est à la base de toutes les législations ». La deuxième catégorie est « la compétence personnelle ». Celle-ci permet à l'Etat de demander l'extradition de l'un de ses ressortissants pour terrorisme, pour qu'il soit jugé par ses tribunaux compétents. La troisième variante de compétence est « la compétence réelle ». Elle permet à l'Etat d'établir sa compétence juridictionnelle à l'égard des actes terroristes commis à l'étranger et ayant porté atteinte, directement ou indirectement, à ses intérêts nationaux vitaux. En l'occurrence, ni le titre de territorialité, ni celui de nationalité ne peuvent être envisageables car la « République Arabe Sahraouie Démocratique » (RASD) ne jouit d'aucune effectivité ni même d'une existence réelle, et ne peut prétendre exercer une quelconque compétence juridictionnelle à l'encontre d'un Sahraoui pour crime de terrorisme. Il conviendrait d'ajouter une dernière variante de la compétence juridictionnelle, celle que l'Etat peut exercer à l'égard de l'auteur d'un acte terroriste perpétré à l'étranger contre ses ressortissants. Il s'agit du principe de la nationalité de la victime. Cette compétence ne peut s'exercer que lorsque l'Etat du locus commissi delicti, c'est-à-dire l'Etat sur le territoire duquel l'acte terroriste aurait été commis, ne veut pas ou ne peut pas poursuivre l'auteur de l'acte terroriste sur son territoire. Dans le même ordre d'idées, certaines Conventions internationales de lutte contre le terrorisme font obligation à tous les Etats parties de juger l'auteur d'un acte terroriste ou de l'extrader conformément au principe d'aut dedere aut judicare, c'est-à-dire l'obligation d'extrader ou de poursuivre l'auteur de l'acte terroriste. En ce sens, l'article 4 de la Convention de la Haye de 1970 sur la capture illicite d'aéronefs prévoit que « Tout Etat contractant prend également les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître l'infraction dans le cas où l'auteur présumé de celle-ci se trouve sur son territoire et où ledit Etat ne l'extrade pas (...) ». Cette disposition est reprise par presque toutes les conventions internationales de lutte contre le terrorisme. On la trouve également dans l'article 6 de la Convention de Rome de 1988 relative à la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et l'article 11 de la Convention de l'ONU relative à la répression des actes de terrorisme nucléaire de 2005. Il en résulte que l'Algérie a l'obligation juridique de poursuivre les membres du Polisario coupables d'actes de terrorisme, et le cas échéant, de les extrader vers un Etat ayant compétence pour les poursuivre. Par ailleurs, les conventions internationales antiterroristes exhortent les Etats à mettre en place des mécanismes juridiques d'entraide judiciaire en vue de lutter contre le développement du terrorisme. En effet, le quatrième paragraphe de l'article 5 de la Convention de l'UA précitée, souligne que « Les Etats Parties s'engagent à promouvoir la coopération mutuelle et à s'entraider en ce qui concerne les procédures d'enquête et d'arrestation des personnes suspectées, poursuivies, accusées ou condamnées pour des actes terroristes (...) ». Sur un autre registre, le statut de « réfugié » accordé aux membres du Polisario, discutable d'ailleurs, ne saurait exonérer ces derniers de leur responsabilité pour terrorisme, s'il est établi qu'ils ont commis des actes terroristes ou ont aidé à leur commission. Dans ce sens, le paragraphe (f) de l'article premier de la Convention internationale relative au statut des réfugiés, adoptée le 28 juillet 1951 à Genève, précise expressis verbis que le statut de réfugié ne peut être attribué « (...) aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; (...) c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ». In fine, on peut soutenir que le cadre juridique de lutte contre le terrorisme ne saurait contrer une potentielle dérive terroriste du Polisario que si les Etats concernés manifestaient un minimum de coopération et d'entraide. * Zoom sur le CEI Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) » (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, « La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires ». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.