Législations antiterroristes après le 11 septembre 2001 Sous la pression de l'oncle Sam, tous les Etats du globe ont dû adopter des législations antiterroristes, qui abdiquent l'Etat de droit et des libertés. Attention : l'autoritarisme est plus redoutable que le terrorisme. Après les attentas du 11 septembre 2001, la plupart des Etats avaient renforcé leurs dispositifs législatifs dans le but de garantir le droit à la sécurité. C'était l'ONU qui avait donné le ton en premier, en créant, à l'automne 2001, “le Comité des Nations Unies contre le terrorisme” par le Conseil de sécurité. Cette initiative a été suivie par une multiplication soutenue des réglementations antiterroristes, malheureusement au détriment des libertés collectives et individuelles. C'est d'ailleurs l'avis de la fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) qui n'hésite pas à dénoncer les arrestations et les mises en détention provisoire sans exigence de preuves, la censure de la presse, les discriminations raciales, ainsi que des restrictions apportées au droit d'asile. L'empire contre-attaque : la loi de la jungle Grande victime du terrorisme, les Etats-Unis se sont empressés d'adopter à la hâte des lois sécuritaires extrêmement sévères, et qui portent atteinte en premier chef au droit à un procès équitable. À titre d'exemple, les présumés terroristes sont privés d'une défense appropriée. Les preuves à charges restent secrètes, les jugements s'effectuent par des tribunaux d'exception voire militaires dont le fonctionnement et la composition portent atteinte aux principes élémentaires d'impartialité. Pis encore, la peine de mort peut être prononcée ! Pourtant, ces dispositifs ne suffisent pas à Washington qui multiplie les pressions pour qu'ils soient encore renforcés. Ainsi, Rockwell Schnabel, ambassadeur des Etats-Unis auprès de l'UE n'a pas hésité à déclarer que “l'opposition à la peine de mort dans les pays européens constitue un obstacle majeur à l'adoption de mesures plus dures contre le terrorisme international”, et de proposer qu'on “pourrait imaginer que les personnes soupçonnées de terrorisme soient extradées dans mon pays où la peine capitale est autorisée et que, dans certains cas, on pourrait renoncer à l'appliquer”. Accepter ces exigences reviendrait à abroger le Protocole n° 6 concernant l'abolition de la peine de mort dans les pays membres de l'Union. L'Afrique s'accroupit : l'esclavage réinventé La Convention de l'Organisation de l'Unité africaine a été adoptée à Alger le 10 juillet 1999 et est entrée en vigueur en septembre 2002 avec la ratification de 19 Etats. Le document est signé et ratifié par l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Angola, l'Egypte, l'Erythrée, le Ghana, le Kenya, le Lesotho, la Libye, le Mali, le Rwanda, le Sénégal, le Soudan, la Tunisie, la Tanzanie, l'Ouganda, l'Ethiopie, le Burkina Faso, le Niger, ainsi que....le front Polisario ?! L'acte terroriste, défini dans la Convention africaine, de manière très large, comprend “tout acte en violation du droit pénal d'un pays visant à intimider, faire peur, forcer, obliger, ou induire un gouvernement, un corps ou une institution, l'opinion publique (..) à faire ou obtenir tout acte, ou à adopter ou abandonner un engagement particulier, interrompre tout service public… créer une insurrection générale”. Cette définition, extrêmement large, fait craindre que tombent sous le coup de l'infraction terroriste un très grand nombre d'actes, y compris d'opposition légitime et conforme aux droits universels de la personne. Les Arabes se réjouissent : la répression c'est notre spécialité Adoptée le 22 avril 1998 au Caire, par le Conseil des ministres de la justice de la Ligue des Etats arabes, cette convention est entrée en vigueur le 7 mai 1999, après sa ratification par sept pays signataires, soit un an seulement après son adoption. À l'instar de la Convention africaine pour la lutte contre le terrorisme, la convention arabe pour la suppression du terrorisme définit le terrorisme d'une manière plus extensible comme : “tout acte de violence ou de menace de violence, quels qu'en soient les mobiles ou les objectifs, commis pour exécuter individuellement ou collectivement un projet criminel et visant à semer la terreur parmi les populations en exposant leur vie, leur liberté ou leur sécurité au danger, ou à causer des dommages à l'environnement ou aux infrastructures et biens publics ou privés ou à les occuper ou s'en emparer, ou à exposer l'une des ressources nationales au danger”. La Convention arabe a en outre mis en place plusieurs mesures concernant l'extradition dont notamment la création, dans chaque Etat partie, d'une base de données informatisée sur “les groupes terroristes”, l'échange d'informations entre les polices des divers pays, la surveillance des mouvements des “groupes terroristes” et enfin l'extradition de toute personne impliquée par la justice de son pays d'origine dans une “activité terroriste” et réfugiée dans un autre pays arabe. L'usage quasi-systématique de la torture, la pratique étendue de la détention au secret, le contrôle vigoureux de la justice par le pouvoir central et l'existence de juridictions d'exception font craindre le pire. L'Europe se plie : Adieu la révolution ! De même au niveau européen, dans les jours qui ont suivi le 11 septembre, l'Union européenne a sorti de ses tiroirs deux “décisions-cadres”. La première, relative à “la lutte contre le terrorisme” et la seconde, relative “au mandat d'arrêt européen”. Ces deux lois, adoptées dans l'urgence, sont applicables obligatoirement dans tous les pays de l'Union. Concrètement, la première décision-cadre prescrit une peine de deux ans de prison pour “chantage”. Une peine de cinq ans pour “la prise de contrôle illicite, mettant en danger les personnes, de moyens de transport publics”. En conséquence, des ouvriers en grève deviennent des “terroristes” ! Plus, une peine de sept ans de prison pour “l'encouragement ou le soutien d'un groupe terroriste”. Ce faisant, les mouvements en Europe solidaires avec la lutte du peuple palestinien pourront être considérés comme des soutiens au “terrorisme” ! Plus encore, une peine de dix ans de prison en cas de “mise en danger de l'environnement”. Mieux, une peine de deux ans de prison pour “vol simple ou qualifié” ! La seconde décision-cadre, présentée par la Commission européenne, introduit “le mandat d'arrêt européen” qui supprime les procédures d'extradition et autorise la remise d'un ressortissant national à un tribunal d'un autre pays européen. Par conséquent, seront supprimées “les libertés individuelles que sont en matière d'extradition la procédure contradictoire, l'audience collégiale et les voies de recours”. De fait, l'Europe du droit est, désormais, soumise aux normes de l'Europe policière. En somme, il paraît que la phobie sécuritaire a confisqué le droit, comme l'écrit Antoine Comte, dans Libération, du 17 octobre 2001 : “vingt années avaient suffi pour que les instances européennes passent d'une conception libérale à une conception autoritaire en matière pénale. Aujourd'hui, on atteint des techniques répressives que les systèmes totalitaires n'auraient pas désavouées” Vigilance ! Car l'arsenal juridique antiterroriste peut aussi constituer un prétexte à la répression de l'opposition et des défenseurs des droits de l'Homme. Il faut savoir, enfin, que si on nie les principes de l'Etat de droit, le terrorisme se trouvera considérablement renforcé. Il y a vraiment de quoi s'inquiéter. Les mouvements en Europe solidaires avec la lutte du peuple palestinien pourront être considérés comme des soutiens au “terrorisme” !