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La ligne à grande vitesse : Formidable pari industriel et technologique pour le Maroc
Publié dans Albayane le 23 - 05 - 2012

Le lancement de chantiers multiples et variés coïncidant avec le début du troisième millénaire, et l'investissement massif dans les infrastructures de base, dont la réalisation de certaines était encore inimaginable une décennie auparavant, fait dire à d'aucuns que le Maroc a fait un pas décisif pour le développement global, dès lors qu'il a opéré
une rupture avec la pusillanimité des politiques publiques antérieures.
Il y a lieu, en effet, de relever le déploiement d'une vision stratégique globale qui peut être observée à un double niveau.
Un plan global de revitalisation du tissu productif, dans un souci de compétitivité et d'excellence d'un côté, et de réhabilitation de l'élément humain, son autonomisation et le développement de ses capacités et habilités personnelles et collectives, de l'autre. S'agissant des voies de communication, à titre d'exemple, il a été décidé de renforcer d'un trait le maillage routier devant permettre aux activités économiques, sociales et culturelles de toucher le Maroc profond, et surtout, de désenclaver les régions les plus reculées, demeurées jusqu'alors passives.
Routes, autoroutes, télécommunications, ports, aéroports, eau et électricité, comptent parmi les priorités de cette nouvelle politique économique volontariste, qui pose comme préalable la mise à niveau régionale et catégorielle.
Depuis l'année 2000, le programme de réalisation des autoroutes a franchi d'importantes étapes.
L'autoroute reliant la ville de Tanger à celle de Rabat a été achevée ; une autre autoroute a été lancée et réalisée en un temps record, en l'occurrence celle reliant Settat à Marrakech ; puis celles audacieuses reliant respectivement Marrakech à Agadir et Fès à Oujda ; en plus du précieux tronçon connectant Tétouan à Fnideq.
Concernant la campagne de mise en place de 11.326 km de routes rurales, l'Etat a jugé nécessaire de revoir ses prévisions à la hausse, passant de 1.000 à 1.500 km par an, toujours dans le cadre du Programme national des routes rurales. En matière d'équipement, l'Etat a également mis les bouchées doubles, en ce sens que 14% seulement de la population rurale avait accès à l'eau potable en 1994, et 18 % seulement à l'électricité. Aujourd'hui, les Marocains établis en milieu rural sont au-dessus de 90 % à accéder à l'eau potable et presque 100 % à l'électricité.
L'annonce et la réalisation du projet Tanger Med, avec un investissement global de 2 milliards de dollars, a fait entrer le Maroc dans la cour des grands pays portuaires du pourtour méditerranéen.
La création d'une place off-shore adjacente, en a fait un pôle industriel de choix qui a drainé en premier lieu un constructeur automobile de renom à savoir, Renault-Nissan.
La réhabilitation de l'espace régional du Rif est également de nature à développer la région de l'Oriental jusqu'à Al-Hoceima, Saïdia et Oujda.
A la rencontre des deux mers, au détroit de Gibraltar, on s'active à désengorger le vieux port de Tanger pour en faire un immense port de plaisance, avec en prime un programme d'habilitation de la médina de Tanger, et ce, dans le but de redonner vie à cette ville mythique, porte de l'Afrique pour les européens et point de passage vers l'Europe pour les Africains. Un point nodal qui mérite toute l'attention, à commencer par le rattachement organique et logistique de cette ville à la chaîne de production et de distribution qui se met en place sur l'ensemble du littoral atlantique.
Le Train à grande vitesse, un grand projet pour un Maroc gagnant
Et c'est dans le feu de l'action que fut lancé le chantier de construction d'une Ligne à grande vitesse (LGV) liant Tanger à Casablanca. Certes, le projet est ambitieux et ne manque pas d'être critiqué, tant il symbolise pour d'aucuns, à la fois l'entrée de plain-pied dans la modernité et la gabegie des finances publiques. Mais alors, le progrès des nations ne se mesure-t-il pas aussi à la hardiesse de leurs dirigeants et à leur clairvoyance ? En revisitant l'histoire du Maroc ancien, comment ne pas relever l'analogie avec le rejet catégorique de certaines élites marocaines des réformes plurielles projetées tout au long du XIXème siècle, créant de la sorte une situation de blocage qui a mené le pays droit à la catastrophe. Tel fut en effet le dilemme de Moulay Hassan Ier face à l'opposition catégorique des oulémas quant à la construction de la ligne ferroviaire reliant Tanger à Fès.
Pourtant, la LGV est aujourd'hui une étape logique dans cette vision globale tendant ici, à tirer l'ensemble du réseau ferroviaire vers le haut en l'intégrant dans la chaîne logistique, aux fins de mettre à la disposition des populations locales et étrangères, un moyen rapide et sûr de se déplacer et d'accomplir leurs missions dans de bonnes conditions. Des études sectorielles ont mis en évidence l'existence réelle d'une importante clientèle qui souhaite faire le déplacement au Maroc à des fins de tourisme ou d'affaires, via le réseau européen des Trains à grande vitesse (TGV) pour assister à des festivals, des congrès, voire des matchs de football.
D'un autre côté, il y a lieu de souligner fièrement le caractère ingénieux et exclusif du montage financier du projet, dont près de la moitié se présente sous forme de prêts, souscrits à des conditions très avantageuses, et dont la répercussion sur la loi de finances ne dépasse guère 8% du budget de l'Etat. Ainsi, pour un programme de cette envergure, à développer sur six ans, le contrat prévoit un montant d'investissement de 33 milliards de dirhams, dont 13 milliards alloués à la modernisation du réseau actuel de l'Office national des chemins de fer (ONCF). Ce qui laisse 20 milliards de dirhams pour le seul TGV. Une enveloppe constituée par le budget public à hauteur de 5 milliards, 1 milliard par le Fonds Hassan II pour le développement économique et social, des dons français et européens à hauteur de 2 milliards, et le reste souscrit sous forme de prêts avantageux, en particulier auprès de banques arabes et de fonds souverains.
Mais, par delà l'assistance technique traditionnelle caractérisant les relations nord-sud, la coopération maroco-française est un cas d'école de transfert des compétences et de technologie. Et, c'est cela précisément qui justifie l'étroitesse des liens privilégiés unissant Rabat et Paris, et explique la construction d'une usine Alstom pour le TGV et une autre pour le Tramway, lesquelles permettront non seulement de minimiser les coûts des pièces de rechange pour la maintenance des matériels roulants sur place, mais aussi de s'insérer dans le réseau d'exportation vers de nouveaux marchés en Afrique et au Moyen-Orient.
C'est pourquoi le TGV reliant Tanger à Casablanca dépasse le stade de convention commerciale classique pour s'inscrire dans une démarche de partenariat stratégique gagnant-gagnant entre le Maroc et la France et, plus globalement, le Maroc et l'Europe, à laquelle le pays est rattaché par un « statut avancé » depuis 2008. Ce qui lui permet dès cette année de « (…) participer à tous les programmes actuels et futurs de l'Union européenne ». La coopération maroco-française est donc un modèle d'échange équitable, qui prend forme dans divers domaines, des champs de la finance et du tourisme, à l'aéronautique et l'automobile. Décidément, le TGV marocain est un nouveau jalon sur la voie d'un Maroc gagnant !
*Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. La conflictualité structurant la zone sahélo-maghrébine constitue également l'une de ses préoccupations majeures. Outre ses revues libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) » (décembre 2009), « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile » (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies » (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré.
Professeur à la faculté de droit de Mohammedia
Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales*


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