La campagne pour les élections du 25 novembre 2011 a bien démarré et tout indique que la compétition ira crescendo dans les jours qui viennent, avec le déploiement de nouveaux moyens de communication et un discours politique qui promet de se renouveler et gagner en crédibilité. Le grand pari qui agite la classe politique est de connaître le parti qui remportera la majorité et mènera -probablement en décembre 2011 - une coalition gouvernementale pour une législature de cinq ans. La compétition en effet, s'annonce rude parmi les 5392 candidats (dont plus de la moitié d'hommes) à travers 1546 listes déposées par plus de 30 partis afin de pourvoir à 395 sièges à la chambre basse (dont 60 listes nationales pour femmes et 30 listes pour jeunes). Les enjeux en valent la chandelle, tant la nouvelle constitution ouvre de grandes perspectives en termes des pouvoirs accrus du chef du gouvernement et des nouvelles dispositions institutionnelles et organisationnelles pour une bien meilleure gouvernance. Conscients des changements majeurs ayant touché les bases constitutionnelles en vue de remodeler la configuration de l'exécutif, les principaux partis ont voulu s'inscrire dans l'air du temps en rajeunissant leurs personnels politiques. Les grands partis affirment ainsi avoir mis en lice des candidats novices à hauteur de 80%, avec un fort pourcentage de candidats diplômés d'enseignements, secondaire et supérieur. Certes, les attentes sont multiples et plurielles, mais la conjoncture politique est également parasitée par des facteurs de perturbation externes, et que réfléchissent localement des manifestations de rue appelant à plus de démocratie et scandant des slogans contre la corruption, l'injustice et l'autoritarisme. L'échéance électorale, en avance de près d'un an sur la période normale, intervient comme une réplique par anticipation aux appels itératifs et tenaces pour des réformes profondes au niveau politique, économique et social. Contrairement à d'autres pays arabes touchés par la grâce de l'insurrection tunisienne, le Maroc n'a pas enregistré de vagues de violences. Le «mouvement du 20 février» a commencé dans la revendication politique et sociale en recourant aux moyens pacifiques, avec des slogans modérés et responsables ; dont en particulier l'avènement d'une monarchie parlementaire. En réponse, le discours royal du 9 mars 2011 a annoncé une refonte constitutionnelle et une série de réformes allant dans le sens de l'approfondissement de la démocratie et des droits de l'homme ont été accomplis avec diligence et sans fioritures. Depuis, il y eut l'élaboration de la nouvelle constitution par une commission ad hoc, appointée par le roi, mais composée d'experts et constitutionnalistes notoires, et qui a surtout mené une concertation la plus large possible, avec les différentes sensibilités politiques et sociales du Maroc. Tour à tour, partis politiques (majorité et opposition), syndicats, associations et Organisations Non Gouvernementales (ONG), ont exprimé leurs points de vue et fourni des propositions concrètes en apportant leur pierre à l'édifice constitutionnel, même si des petits partis ont boycotté la commission. La constitution a finalement été adoptée majoritairement. Il fut ensuite procédé à la création d'un chapelet d'institutions dans le domaine des libertés, des droits de l'homme et de l'équité économique, y compris la lutte pour la moralisation de la vie publique et la lutte contre la corruption. L'accomplissement de ces transformations aura permis de confirmer la reprise patente de la cadence des réformes entamées au début de la décennie, mais qui ont souffert d'un ralentissement lié à des vicissitudes politiques et des répercussions négatives dues à la conjoncture économique et financière internationale qui finit toujours par impacter le vecteur politique. La classe politique marocaine demeure totalement impliquée sur la voie de la participation et l'espoir de remporter une majorité des sièges, afin de former une équipe gouvernementale homogène. Tous les partis ainsi qu'un certain nombre de formations islamistes, alignent une armada de candidats pour le jour du scrutin. La hantise des partis politiques est de ne pas vaincre le « déni électoral » et de rééditer un faible taux de participation à l'image de celui de 2007. La campagne électorale n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière, mais le ton est déjà donné. Une trentaine de partis s'enorgueillit d'aligner de nouveaux candidats, pour l'essentiel des jeunes. Cependant, une note dissonante ternit le tableau : la représentation des femmes demeure insuffisante au regard du respect de la parité hommes-femmes et du combat continu mené de longue date par beaucoup d'associations féministes. Résultat, à peine 64 femmes sont « tête de liste »dans les circonscriptions électorales locales, un déficit évident que la liste nationale rééquilibre néanmoins par le truchement du système des quotas passant de 30 à 60 femmes députés ; un bond remarquable tout de même. Plus que tout, c'est l'occupation visible de l'espace public par les formations politiques et associatives résiduelles, et qui elles, appellent au rejet du processus électoral, qui est un facteur nouveau à saluer, sur la scène politique. La nouvelle constitution en effet, renforce le droit à l'expression et réserve une place de choix à l'opposition au sein du parlement, une originalité dans la pratique démocratique marocaine. Ainsi, la constitution garantit à ceux qui s'opposent aux élections, le droit de s'exprimer à travers les moyens audiovisuels publics et tous autres moyens légaux. Selon la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle qui a rendu son rapport sur la période pré-électorale, le nombre de passages à la radio et à la télévision a d'ailleurs sensiblement augmenté. L'observateur aura remarqué le recours parfois intensif de certains partis aux techniques de l'information et de la communication (divers réseaux sociaux, sites électroniques, agence de communication), mais aussi l'effort de clarification de leurs programmes par un choix sélectif de formules sensationnelles susceptibles d'intéresser les électeurs ou par l'annonce de chiffres significatifs comme le taux de réduction du chômage, le nombre d'emplois, le taux de croissance ou l'élévation du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG). Côté analyse du discours et argumentation, cela promet d'être fécond, mais il est tôt de faire le bilan, quoique déjà des indices laissent présager une mutation dans le mode de communication des partis politiques marocains. *Professeur à la faculté de droit de Mohammedia Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales Le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion et d'analyse basé à Rabat. Acteur actif du débat afférent à la conflictualité saharienne et à certaines thématiques nationales fondamentales, le CEI a publié, en 2010, auprès des éditions Karthala, un ouvrage collectif intitulé : « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) ». En janvier 2011, le CEI a rendu public, auprès du même éditeur, un second ouvrage titré, « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile ». Il vient également de faire paraître, auprès des éditions précitées, un ouvrage portant sur « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies ». Outre ses revues, libellées, « ETUDES STRATEGIQUES SUR LE SAHARA » et « La Lettre du Sud marocain », le CEI compte par ailleurs à son actif plusieurs supports électroniques parmi lesquels figurent, www.arsom.org, www.saharadumaroc.net, www.polisario.eu et www.ibn-khaldoun.com.