Vendredi, Cannes a pris un air de madone grâce aux actrices d'Almodovar réunies dans Volver, une comédie dramatique fantastique qui dit à merveille les femmes, l'amour, la mort et la vie (voir le mad du 17 mai). Des « bellissima » au teint mat, au regard piquant, à l'allure fière telle Penelope Cruz que Pedro a transformé en Sophia Loren des débuts, incarnation de la maternité et de l'énergie du Sud, pour revenir à la source fondamentale, sa terre natale, les racines maternelles. Des « bellissima » flamboyantes et passionnées comme Carmen Maura prête à tout jouer, à tout incarner jusqu'au spectre de la mort. Elles sont là sur la Croisette, devant les photographes, le palais, les festivaliers : Penelope Cruz, Carmen Maura, Lola Duenas, Blanca Portillo et la jeune Yohana Cobo. On les avait quittées courageuses, drôles, émouvantes, fragiles et solides comme le roc dans le magique Volver. On les retrouve, toutes en séduction et talons aiguilles, autour de leur cinéaste adoré. « Pedro est ma priorité. Ma carrière, ma vie ne seraient pas les mêmes sans lui. J'ai travaillé 7 ans aux Etats-Unis, 15 ans en Europe mais Pedro reste unique, confie Penelope Cruz qui tourne pour la troisième fois avec le cinéaste madrilène. Pedro écrit merveilleusement bien pour les femmes de tout âge. Il sait aussi créer de beaux rôles d'homme comme il l'a fait pour Antonio Banderas. On dit souvent qu'il comprend les femmes jusqu'à l'âme mais il ne le fait que quand cela favorise son histoire. Et avec Volver, c'est magnifiquement le cas. C'est incroyable de voir comme il sait tout de nous ! Il nous comprend sur plusieurs couches. Je peux essayer de lui cacher des choses mais je remarque qu'il m'a devinée même avant moi. C'est un observateur redoutable. Je ne sais pas comment il fait. C'est un martien. » Carmen Maura avait peur Carmen Maura, qui croisa Almodovar après la chute de Franco, tourna un premier court-métrage avec lui avant d'avoir le rôle principal de son premier long. Dès ce moment, elle devient son actrice fétiche pour cinq films pendant huit ans. Volver marque leurs retrouvailles. Mais la muse des débuts avoue : « J'avais peur de ne pas retrouver la chimie magique qui nous unissait jadis. J'ai été très impressionnée car j'ai retrouvé la même ! A la lecture du scénario, j'ai compris que mon rôle serait difficile mais j'avais confiance. J'ai toujours fait des choses risquées avec Pedro. A nos débuts, nous n'avions pas les moyens de prendre du temps pour penser et travailler longuement en amont. J'ai donc pris l'habitude : il me dit ce que je dois faire et je le fais. Je comprends très bien son sens de l'humour, son mélange de tragique et de comique. » Carmen Maura a tout joué avec Almodovar : une jeune punk, une bonne soeur, une femme de ménage, une transsexuelle et l'inoubliable bobo de Madrid dans Femmes au bord de la crise de nerfs. Dans Volver, elle a les cheveux longs, gris, filasses. Elle est le fantôme d'une mère qui revient dans le quotidien de ses filles. Et elle est étonnante. « Quand je tourne, je ne me regarde pas dans le miroir et je ne visionne pas les rushes, dit-elle. Il est vrai qu'en me voyant dans Volver, j'ai eu un choc ! Maintenant, je fais attention à mon aspect quand je sors dans la rue car je ne voudrais pas que les gens pensent que je suis déjà devenue comme la grand-mère Irène. Mais faire un rôle où l'aspect physique n'est pas important est plus reposant que de jouer bien droite et en talons aiguille. » Pedro sourit. Il a fait un superbe film féminin. Il y a mis beaucoup d'amour. Ses femmes le lui rendent bien.